Le pouvoir de l’indignation

Le Crachoir de Flaubert recevait Mickaël Bergeron dans le cadre de son cycle de conférences le 18 novembre. En tant que journaliste et essayiste, ce dernier était tout indiqué pour parler de socio-politique, d’accès à l’information, de banalisation et surtout d’indignation.

Pour Mickaël Bergeron, l’indignation est un moteur. C’est elle qui le pousse à écrire, à s’exprimer sur la place publique. Dans ses chroniques, il s’attaque aux idées préconçues, au conservatisme, qui fait obstacle au progrès de la société, dénonce des injustices et lance des pistes de réflexion. Bref, ses textes sont engagés, tout comme lui.

Dans sa pratique journalistique, il ne se contente pas d’attirer l’attention sur un enjeu. Ce qu’il souhaite vraiment, c’est créer des ponts entre les gens pour qu’ils puissent se comprendre. Son intention première est de créer un dialogue.

Il reconnait les limites des médias dans l’espace et le temps accordé à chaque sujet, à chaque article, mais souligne que l’art réussit à les compenser. La littérature aiderait ainsi à combattre la banalisation d’un sujet médiatique trop récurrent pour soulever les passions du public, habitué qu’il est d’en entendre parler, et donc désensibilisé. Selon Mickaël Bergeron, « l’art […] est un reflet de la société. [Il] permet de semer des petites graines [de réflexion], […] de rencontrer des personnages […] qu’on n’aurait pas côtoyés dans notre vie. »

Comment parler de l’injustice

Lorsqu’on lui demande s’il y a « de bonnes manières de s’indigner », il répond : « Je vois mal comment on pourrait reprocher à quelqu’un qui est en train de souffrir de mal exprimer sa souffrance. » Il évoque par exemple quelqu’un qui se casserait une jambe et à qui on dirait qu’il n’a pas la bonne manière de crier. Pour lui, les dénonciations publiques sont des cris du cœur et il faut les recevoir comme tels. Il n’y aurait donc pas de mauvaise manière de s’indigner, mais plutôt de mauvaises manières de réagir comme le refus d’accueillir et de légitimer la souffrance.

Sa technique de rédaction, autant pour ses chroniques que pour ses essais, marie l’analyse des faits et le cœur : « L’émotion est la clé pour aller rejoindre les gens. » Il opte ainsi de « parler au je; le très personnel est très universel ». L’émotion lui permet d’accrocher le lecteur, d’attirer l’attention sur un sujet, une inégalité, mais elle doit aussi être appuyée par des faits, des études, de la documentation pour que le message soit crédible, qu’il ne soit pas qu’une impression.

Celui qui se décrit comme utopiste, ou du moins optimiste, considère qu’il y a une amélioration de la société au fil du temps, même s’il reste beaucoup de travail à faire. Suite au mouvement de dénonciation des inconduites sexuelles, il trouve que l’écoute a été bonne en général. Il est encouragé par les actions concrètes qui en ont découlé comme la vigile devant les résidences de l’Université Laval. Notons également qu’une formation en ligne est maintenant donnée aux étudiant.es afin de les sensibiliser au harcèlement.

Avoir du cœur

Mickaël Bergeron aussi en pousse, des cris du cœur. Ses deux essais en sont. La vie en gros : regard sur la société et le poids ainsi que Tombée médiatique : se réapproprier l’information traitent respectivement de la grossophobie et du déclin des médias, deux sujets qui le touchent de près, mais qui deviennent vite universels, comme il l’a déjà souligné.

Son combat, c’est l’éducation populaire. Là où d’autres militent ou font de la politique plus frontale, lui, fait sa part en écrivant, en vulgarisant l’information pour la moyenne des gens. Mais il ne généralise pas, car « la masse est plurielle ».

Au-delà de son indignation, le chroniqueur et essayiste n’a que de l’amour à donner : « Je ne crois pas du tout à la méchanceté, je ne comprends pas [son] utilisation. » Il prône l’ouverture à l’autre, l’écoute et l’empathie. C’est d’ailleurs de cette façon qu’il travaille, en s’orientant toujours vers ses interlocuteur.rices, en s’intéressant à eux.elles.

Mickaël Bergeron est journaliste. Il a notamment été chroniqueur pour le Voir et vient tout juste d’être engagé à La Tribune, acceptant le mandat de commenter l’actualité locale. Il publie des essais chez Somme toute depuis 2019. Tombée médiatique vient tout juste de paraître. On peut aussi le croiser, parfois, pendant les micro ouverts des soirées RAMEN à la Librairie Saint-Jean-Baptiste.

 

Photo: courtoisie

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