Photo : Courtoisie Félix-Antoine Tremblay

Heurté par un camion, un cycliste n’obtient aucun soutien policier

Un étudiant de l’École de technologie supérieure (ÉTS), Félix-Antoine Tremblay, a vécu toute une mésaventure à vélo. Alors qu’il circulait tranquillement sur la voie de la route 170 à La Baie, actuellement en construction, un camion commercial l’a violemment tassé hors de la route. Il y voit un exemple flagrant du problème de relation entre cyclistes et automobilistes au Québec.

L’endroit où s’est produit l’incident se situe en plein cœur d’un chantier d’entretien des routes. Se retrouvant donc sans accotement ou piste pour les vélos, Félix-Antoine affirme s’être plié au code la route et avoir utilisé entièrement l’unique voie de circulation.

Dans ce contexte, la loi spécifie que « le conducteur d’une bicyclette doit circuler à l’extrême droite de la chaussée et dans le même sens que la circulation, sauf s’il s’apprête à effectuer un virage à gauche, s’il est autorisé à circuler à contresens ou en cas de nécessité ».

Croyant être en sécurité et agir de manière prudente, le jeune homme de 26 ans s’est pourtant rapidement rendu compte que plusieurs voitures s’impatientaient derrière lui, le klaxonnant et lui criant des injures.

« Je ne ralentissais personne et roulais à presque 30 km/h dans une zone de 35, alors que je voyais du trafic devant à quelques dizaines de mètres, indique-t-il. Les bouchons s’étalaient sur peut-être 100 m, ce n’était pas bien long. »

Jusqu’ici, tout demeure relativement en contrôle, sauf qu’au moment où le chantier tire à sa fin, et que l’étudiant peut enfin reprendre l’accotement, les choses tournent mal.

« À ce moment, je vois un gros camion accélérant pour me dépasser. Il ralentit une fois à ma hauteur et m’entraîne vers le gravier et le fossé. Il entre ensuite directement en contact avec mon vélo et cherche à me renverser. À ce moment, je m’arrête, je freine et je note la plaque. M’écarter comme ça, moi je qualifie ça d’une tentative de blessures graves. »

« Je me considère comme un cycliste aguerri qui en a vu d’autres, donc j’ai pu me contrôler et éviter le pire, ajoute celui qui est également responsable des communications du Centre de réparation et d’ajustement de bicyclettes de l’ÉTS (CRABE). Or, croyez-moi, n’importe quel débutant en la matière serait littéralement tombé en dessous des roues du camion. C’était insouciant et dangereux. »

Des policiers « qui ne collaborent pas »

Sur le coup de l’émotion, Félix-Antoine a immédiatement appelé les corps policiers de la région pour leur signaler l’incident, numéro de licence en main. Un agent est venu lui rendre visite des heures plus tard dans la journée, au domicile où il logeait.

« Les patrouilleurs ne sont même pas sortis de leur véhicule et m’ont très rapidement dit qu’il n’y avait rien à faire, pour la seule et unique raison que je n’avais pas vu le conducteur à son niveau, ce qui, évidemment dans ma situation, était impossible. Je leur ai dit d’enquêter, de questionner, mais on m’a répondu d’y aller moi-même. Que c’était ma parole contre la sienne. J’étais stupéfait. »

Pourtant, aux dires de l’étudiant, plusieurs infractions au CSR demeuraient commises : un délit de fuite à proprement parler, la distance entre usagers qui n’a pas été respectée, un dépassement insécuritaire et de la conduite dangereuse, en général.

« Je n’ai rien pu faire pour la suite, plaide-t-il. Le pire dans cette histoire, c’est que ce fameux conducteur enragé continue sa vie, et surtout que ça le réconforte dan son idée à savoir qu’il peut faire ce genre de choses sur la route sans être sanctionné. »

« Typique » de la méprise envers les vélos

L’expérience de Félix-Antoine lui porte à croire qu’au Québec, particulièrement sur les routes, la relation entre cyclistes et automobilistes est devenue invivable, à un point tel que les usagers n’ont même plus conscience de leurs gestes.

« J’ai souvent l’impression ici que les dommages sur un vélo ou sur un cycliste sont moins importants aux yeux des gens. Si quelqu’un se fait rentrer dedans et que le fautif s’enfuit, on va chercher à investiguer à la minute où il y aura une égratignure sur le véhicule. Par contre, sur un vélo ou sur un corps humain, ça ne vaut rien, ça n’a pas le même impact. »

La Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) mène actuellement une campagne de promotion à ce sujet. « Il faut repeindre le capot », dit un mécanicien. « Il faut faire une greffe de peau », dit ensuite un chirurgien. La comparaison illustre bien que les dommages sur un cycliste se révèlent bien plus graves. Le même genre d’exercice est répété pour les piétons et les motocyclistes.

Vidéo de la SAAQ (cliquez)

Aller plus loin

Or, voyant que cette forme de sensibilisation ne semble pas fonctionner auprès d’une certaine frange de la société, l’étudiant parle d’une solution plus concrète et ferme. « Il y a des moyens à prendre, croit-il. Quand on va vraiment réglementer et sévir envers tout le monde de manière égalitaire, la relation va changer. En ce moment, quand on sait qu’aucune sanction ne s’applique, on ne respecte pas le code. »

Ailleurs au pays, des villes comme Ottawa et Toronto ont déjà mis en place des programmes de surveillance pour les cyclistes, avec des officiers attitrés à leur protection. « Les solutions sont sur la table, dit Félix-Antoine. C’est une volonté politique. À Québec et à Montréal, on peut débloquer des fonds pour allouer des ressources et faire respecter tout le monde. »

Il ajoute qu’après avoir fait comprendre au gouvernement la nécessité de lois de base pour les cyclistes, il est maintenant temps de démontrer à nos politiciens qu’il est essentiel de les appliquer rigoureusement. « C’est un peu le même principe que les limites de vitesse, conclut-il. Si personne n’est là pour surveiller, on a tendance à faire comme bon nous semble. »

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