Hunter, c’est l’inatteignable, un personnage disparu à travers les idées que les autres ont de lui. C’est la définition hachurée de l’autre, du vide. Un pari risqué, peut-être, pour un premier roman, mais qui rapporte, au final, pour Judy Quinn. Après la publication de trois recueils de poésie, l’auteure s’est dirigée vers le roman avec Hunter s’est laissé couler, oeuvre couronnée tout récemment par le prix du premier roman Robert-Cliche.
Histoire racontée par la bouche de plusieurs personnages, tous rencontrés de près ou de loin des années auparavant pendant la guerre, celle de Hunter en est une de demie-clarté, voilée par les opinions subjectives des différents narrateurs et par leurs mémoires. En cela, l’auteure surprend, avec une forme éclatée et décousue, mais maîtrisée, fixée d’après un point volatil auquel le lecteur n’a jamais accès totalement : Hunter. Ainsi définie sur un vide, l’oeuvre de Judy Quinn s’avère d’une grande maturité, à la forme introvertie, donnant accès aux pensées des personnages par un flux de conscience (certains chapitres ne sont composés que d’une seule phrase) grâce auquel s’érige notre perception du personnage absent.
Si la structure de l’oeuvre s’avère ainsi réussie, le style demeure néanmoins inconstant, faible par moments tandis que juste et vibrant à d’autres. Même si certains personnages revêtent une impressionnante profondeur psychologique, celle-ci s’avère insuffisante dans leur manque d’une fluidité plus naturelle que plastique, d’une personnalité et d’une émotivité que les mots ont parfois de la difficulté à transmettre.
Malgré tout, le roman a le mérite de ne pas nous laisser oisif à sa lecture et nous permet de prendre part, d’une certaine façon, à la recherche de son centre indéfini à travers les voix qu’il recèle. Une lecture qui nous fait découvrir une nouvelle écrivaine de talent et espérer un deuxième roman tout en maturité.