Réflexions et récits pluriels sur l’identité

Dans la collection Indiscipline des Éditions Nota Bene, paraissait en février Se faire éclaté.e : Expériences marginales et écritures de soi, dirigé par Nicholas Dawson, Pierre-Luc Landry et Karianne Trudeau Beaunoyer. Le recueil hybride rassemble leurs textes, puis ceux de Fanie Demeule, Kevin Lambert, Alex Noël, Karine Rosso, Marilou Craft et Chloé Savoie-Bernard. Il explore l’identité, qu’elle soit évanescente, performée ou affirmée, et ce qui la construit : les lieux, le corps, la filiation, les expériences – véritables ou fabulées, banales ou extraordinaires, heureuses ou douloureuses.

« Peut-être que je ne veux pas totalement guérir de cette mélancolie qui me fonde. »

 Kevin Lambert

Métisses, féminines ou queer, ces expériences marginales, préfacées par Stéphane Martelly, s’inscrivent dans la littérature autant qu’elles l’utilisent, entrent en relation avec elle. D’après Kevin Lambert, ce médium « peut aller jouer dans les zones les plus sombres de l’humanité, représenter l’inacceptable, le scandaleux, défendre l’indéfendable. » Son texte questionne entre autres la représentation de l’homosexualité et ce qui fait qu’elle choque.

L’identité est ainsi toujours à définir, à redéfinir ou à affirmer contre les normes.

Entre poésie et prose, Alex Noël dresse une fresque de personnages, à la fois forts de caractère et fragiles, qui l’ont marqué, forgé. Il parle aussi bien de « la fois où la porte de l’appartement de ma grand-mère a été défoncée par un Hell’s / à 92 ans elle a éteint toutes ses lumières pour l’attaquer avec un marteau et un médaillon du pape » que de sa mort, du doux au revoir qu’il a déposé sur ses lèvres.

Par la filiation, l’identité devient héritage, à porter autour du cou.

En quelques pages à peine se tisse la nouvelle de Fanie Demeule, aussi brumeuse que l’Écosse où elle prend forme. Captif des chambres, d’Edinburgh à Shieldaig, le personnage féminin se dédouble, possédé, par un spectre ou un traumatisme : « je ne sais plus distinguer nos rages et nos sangs, nos flux indifférenciés ». Et cette histoire nous pénètre à notre tour pour nous hanter.

Les textes de Se faire éclaté.e ont presque tous une saveur académique, dissertative. Certains sont truffés de références : une écriture de soi en dialogue avec d’autres. Presque tous.tes universitaires, les auteur.es y décortiquent leur identité dans des textes aux formes multiples : poésie, récit, nouvelle, essai, correspondance, où s’entrecroisent souvenirs et réflexions. Réflexions sur soi, oui, et sur la littérature, mais aussi sur la société et ses rapports de forces entre privilégié.es et marginalisé.es.

« Il s’agit de positionnements politiques et identitaires dont l’hybridité n’est pas un jeu, mais bien la seule forme, la seule méthodologie, le seul langage (surtout) qui arrive à en rendre compte, […] à déplacer les lecteurs et lectrices dans des lieux pas nécessairement amusants ni confortables, à les situer à même la série de ruptures auxquelles nous faisons face presque quotidiennement par les récits de nos vies. » – Nicholas Dawson

Crédit image: courtoisie

Auteur / autrice

  • Jessica Dufour

    Passionnée des arts et du langage, Jessica Dufour étudie à la maîtrise en traduction et terminologie. Son baccalauréat multidisciplinaire en linguistique et communication lui a permis d'acquérir de solides bases dans ces deux domaines. En tant que journaliste, elle s'intéresse à tout ce qui touche la culture et la société, cherchant particulièrement à mettre en valeur la relève de Québec et des environs. Elle fait également partie du comité de lecture de la section création littéraire. La poésie et la photographie sont ses médiums de prédilection. Oeuvrant aussi dans le domaine de l'alimentation sauvage, elle erre d'est en ouest du pays, entre la forêt et la ville.

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