Photo : Sylvain Fillos

Sur la pointe des pieds

Le cliché nous tend la main : c’est sur une terrasse ensoleillée que le groupe Forêt, dyade composée de Joseph Marchand et Émilie Laforest, nous entretient avec enthousiasme à propos de son processus créatif, de ses coups de cœur et de sa vision artistique. Son album éponyme, paru le 18 mars dernier, ne cesse de récolter les critiques élogieuses.

Justine Pomerleau-Turcotte

Courtoisie : Sylvain Fillos
Courtoisie : Sylvain Fillos

Il faut dire que ce dernier a germé dans la tête de musiciens aguerris ; elle, chanteuse de formation classique ayant frayé dans le milieu de la musique contemporaine ; lui, guitariste expérimenté dont les six cordes ont accompagné, entre autres, Pierre Lapointe et Ariane Moffatt.

La discussion s’arrête d’abord sur le choix des textes. Tout est issu du désir d’Émilie de se frotter à l’écriture ; elle feuillettera plusieurs ouvrages de poésie québécoise contemporaine avant d’avoir un coup de foudre pour Le rayonnement des corps noirs de Kim Doré. Elle met deux de ses textes en musique, pour s’exercer, puis sent le besoin de contacter l’auteure : « J’avais l’impression de fouiller dans son âme… » Emballée par le projet, Doré propose au duo d’écrire des chansons sur mesure pour le projet, plutôt que de voir ses poèmes mis en musique, ce qui nécessite un tout autre processus de création. En effet, selon Doré, ses poèmes doivent être autonomes, alors que les textes du premier opus de Forêt ont besoin de la musique pour exprimer leur plein potentiel.

Les trois artistes se passaient la balle : des vers de Kim trouvaient écho dans la guitare de Joseph, et Émilie confectionnait des mélodies et des chœurs pour faire vivre le tout. Un processus plutôt intellectuel : beaucoup de ratissages, de tâtonnements, donc, pour atteindre un résultat à la hauteur des attentes élevées des musiciens. Il faut dire que le parcours d’Émilie lui confère un souci harmonique accru, d’ailleurs partagé par son compagnon ; on peut trouver des couleurs raffinées par tâtonnements, mais avec un peu de théorie, on comprend ce qu’on veut faire plus rapidement. La minutie classique avec la spontanéité pop : ça résume un peu le projet.

Le volet studio illustre également ce goût pour les détails. Avec François Lafontaine à la réalisation et Pierre Girard au mixage, le duo était entre bonnes mains pour empiler, ajouter, tester des couches sonores, pour créer un son plein, sans lourdeur.

La discussion se balade du côté du milieu de la musique contemporaine, qui a habitué Émilie à chanter devant de très petites foules pour des projets en lesquels elle croyait – une expérience qui lui a forgé une carapace face à la réponse du public. Pourquoi la danse contemporaine a-t-elle pu conserver un public passionné alors que la musique plus intellectuelle ne parvient toujours pas à rallier les troupes ? « Les compositeurs doivent se poser des questions ! », affirme Joseph. « La musique doit toucher le cœur, peu importe son style », avance Émilie. La pop sophistiquée de Forêt est peut-être issue d’un processus cérébral, mais ce désir de toucher est au centre des chansons. Forêt sera de passage au Cercle le 12 juillet dans le cadre du FEQ.

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