Le capitalisme dans le cinéma

On le sait tous, l’argent mène le monde. Au cinéma, l’argent est évidemment un élément non négligeable en ce qui a trait à la faisabilité d’un film. Même après la sortie d’un film, l’argent est toujours garant de son succès ; à tort, si je peux me permettre, un film peut être excellent sans faire beaucoup d’argent. On aborde souvent l’importance de la première fin de semaine de sortie d’un film au cinéma et les statistiques du box-office dont on ne cesse de parler par la suite.

Par Marc-Antoine Auger, journaliste collaborateur

Tous ces sujets sont fort intéressants, cependant ici ce n’est pas de ça dont je vais parler. J’ai concocté une (trop ?) courte liste de cinq films qui abordent l’impact de l’argent, des fraudes, des crises économiques, de la finance, sur la vie des gens.

The Wolf of Wall Street

Plusieurs s’attendaient sans doute à retrouver dans cette liste ce film de Martin Scorsese sorti en 2013. Film qui raconte l’histoire vraie de Jordan Belfort, surnommé The Wolf of Wall Street, qui avait fraudé plusieurs personnes avant de faire de la prison pendant 22 mois à la fin des années 90. J’avais eu l’occasion de voir le film à l’époque de sa sortie au cinéma et j’ai été grandement impressionné par la performance de Leonardo DiCaprio dans le rôle principal. À l’époque, il en était à sa cinquième collaboration avec le grand cinéaste américain. Leurs
précédentes collaborations furent de très grandes réussites cinématographiques également : Gangs of New York en 2002, The Aviator en 2004, The Departed en 2006 et Shutter Island en 2010. Après avoir vu le film, je dois admettre que j’étais convaincu de voir DiCaprio remporter son premier Oscar du Meilleur acteur, ce qui ne fut pas le cas tout de suite. Mais quand j’y pense, avec le recul, il aurait été surprenant de voir une récompense accordée à un film qui critique autant l’establishment américain, et une institution telle que Wall Street. Cette comédie noire est définitivement à voir, malgré la longueur du film quelque peu effrayante (180 minutes). Ce film de Scorsese est tiré d’un livre du même nom, les mémoires de Jordan Belfort lui-même, que ce dernier a écrits en 2007.

The Grapes of Wrath

Ce classique, beaucoup plus vieux que le précédent, est tiré d’un roman célèbre de John Steinbeck, auteur américain qui a remporté le prix Nobel de littérature en 1962, près de 25 ans après la sortie du livre, en 1939. Steinbeck, pour ce roman, a gagné le prix Pulitzer. John Ford (un autre très grand cinéaste américain, décidément) en a réalisé une adaptation cinématographique presque aussitôt, en 1940, avec Henry Fonda dans le rôle principal. On suit l’histoire des Joads, une famille vivant de plein fouet la réalité de la Grande Dépression de 1929. Ils possédaient une ferme en Oklahoma, qu’ils ont perdue à cause de la crise, et deviennent par la force des choses des travailleurs migrants, qui partent vers la Californie dans leur vieille voiture défectueuse dans l’espoir d’y trouver du travail. Je dois dire que j’ai lu le livre avant de voir le film, et je recommande chaudement de faire comme tel, le livre présentant des éléments que le film ignore. Ce ne sont pas des éléments qui changent l’histoire à tout rompre, mais ce sont tout de même des grandes différences, surtout la toute fin du livre (sans vendre de spoiler, ne vous inquiétez pas) qui nous laisse sur une note particulière. Ce film propose une belle plongée dans la réalité qu’ont pu vivre plusieurs milliers d’Américains pendant la Grande Dépression des années 30, et c’est sa principale force. John Ford a eu une carrière prolifique, s’étalant du milieu des années 10 jusqu’au début des années 70, période durant laquelle il aura réalisé plus d’une centaine de films. Il est surtout reconnu pour ses westerns tels que The Searchers, The Man Who Shot Liberty Valance et Stagecoach, tous des films où l’on retrouve John Wayne comme acteur, entre autres.

La chute de l’empire américain

On revient à une époque et à un endroit plus près de nous avec une réalisation de Denys Arcand, sortie l’année dernière. Ce film avait été pressenti comme choix pour représenter le Canada dans la course à l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère, mais avait été écarté, certains s’en souviendront, par Chien de garde, réalisé par Sophie Dupuis. L’argent est présent dans le film jusque dans les moindres détails. L’attention accordée aux détails est l’une des principales forces du film. Je me rappelle d’une scène au tout début du film où le personnage principal, interprété par Alexandre Landry, discute avec une femme. La scène se termine, les deux personnages s’en vont et on entend la radio qui parle de Carey Price, gardien du Canadien de Montréal, qui vient de signer un contrat de 10 millions de dollars par année.

Le film raconte l’histoire de Pierre-Paul D’Aoust (Alexandre Landry), docteur en philosophie et chauffeur-livreur qui se retrouve bien malgré lui pris dans un vol de boutique. Les deux cambrioleurs meurent devant lui et D’Aoust se retrouve face à un dilemme : prendre l’argent qu’ils ont réussi à voler et partir, ou laisser l’argent là. Coup de théâtre, c’est la première option qu’il va choisir et il va s’ensuivre par la suite une enquête où les policiers vont tenter de le coincer à cause de ses agissements de plus en plus suspects. Marie-Pier Morin y va de son premier rôle au cinéma dans ce film et elle y va d’une performance très juste, convaincante, j’oserais même dire étonnante. C’est une très belle réalisation de Denys Arcand, qui continue de nous offrir son regard quelque peu cynique à travers ce film.

Wall Street

Je ne pouvais pas passer à côté de ce classique sorti en 1987 réalisé par un autre grand cinéaste américain, Oliver Stone. Contrairement au film précédent de Scorsese, ici on a plus affaire à un drame, à un film personnel. Oliver Stone, en réalisant ce film, voulait rendre hommage à son père, Lou Stone, qui était un agent de change à Wall Street durant la Grande Dépression de 1929. On suit l’histoire de Bud Fox (Charlie Sheen), un jeune agent de change qui devient impliqué avec Gordon Gekko (Michael Douglas), ce qu’on appelle en anglais un corporate raider. Ce dernier avait comme mission d’acheter des actions de compagnies en grande quantité, et par la suite négocier avec d’autres. Ces pratiques pas très morales conduisaient généralement les compagnies à remplacer les membres de leur exécutif, à diminuer leurs opérations, ou encore, à carrément fermer leurs portes. Ce film a eu une portée culturelle importante. Il en a même inspiré plus d’un à devenir agent de change sur Wall Street. Du moins, c’est ce qu’affirment souvent en entrevue Stone, Douglas et Sheen.

Catch Me If You Can

Une autre réalisation d’un très grand cinéaste américain, Steven Spielberg. Ce film raconte l’histoire vraie de Frank Abagnale. Cet homme avait réussi à duper tout le monde en se faisant passer pour un pilote d’avion, un médecin et un procureur de paroisse avant même d’avoir 19 ans. Son crime, à la base, était de faire des faux chèques. Il a tant d’expérience dans le domaine que le FBI l’a recruté à la fin de son séjour en prison. C’est par tous ces faux chèques qu’il fut capable de duper tout le monde en tant que médecin et pilote d’avion. Spielberg est un raconteur d’histoire exceptionnel, il a le don de nous tenir en haleine pendant ses films. Tom Hanks est également présent dans le film, lui qui joue l’enquêteur chargé d’attraper le personnage de Frank Abagnale, joué par Leonardo DiCaprio. De très bonnes performances d’acteurs, des punchs solides, ce film vaut définitivement le détour.

 

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