Photo de The New York Public Library

L’évasion fiscale, dénoncer pour recevoir

Il est difficile de mesurer l’ampleur du mouvement de l’évasion fiscale à travers le monde. Selon l’Agence du revenu du Canada (ARC), entre 9 et 11 milliards de dollars chaque année sont cachés dans des paradis fiscaux. Ce ne sont que les chiffres concernant les entreprises évitant de payer des impôts, les particuliers n’étant pas pris en compte. Plusieurs outils sont utilisés pour lutter contre l’évasion fiscale, notamment de nouvelles lois.

Par Andréanne Pinsonneault, journaliste collaboratrice

Depuis quelques années, l’ARC utilise la loi sur les produits de la criminalité pour geler ou saisir les avoirs des fraudeurs. C’est possible de le faire dans un territoire à l’extérieur du Canada. Cela empêche aussi les entreprises coupables de fraude de déclarer faillite et d’éviter de payer leurs impôts. En gelant l’argent, le gouvernement s’assure de le récupérer.

Des récompenses pour les dénonciateurs

Le Canada récompense les personnes dénonçant les possibles fraudes à l’étranger. Elles reçoivent de 5 à 15 % de la somme récupérée. L’ARC compte 250 vérificateurs affectés à la surveillance des particuliers les plus fortunés et leurs entreprises du Canada. Il existe aussi ce qui s’appelle la « norme commune de déclaration ». Elle regroupe une centaine de pays. Les institutions financières vont déclarer aux États concernés les comptes de banques étrangers possédés par leurs citoyens. C’est fait de manière automatique, plutôt que sur demande comme c’était le cas auparavant. Le travail de l’ARC est alors facilité.

La collaboration internationale s’est améliorée surtout grâce à de nouveaux regroupements de pays qui permettent une vision plus large du problème. Par exemple, le J5 (Joint Chiefs of Global Tax Enforcement) regroupe le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et les Pays-Bas. Ces cinq grands pays travaillent à mettre en commun leurs renseignements et développent des stratégies conjointes pour lutter contre les évasions fiscales.

Panama Papers

En 2016, 11,5 millions de documents dévoilés dans divers médias ont éclaboussé des entreprises, des politiciens, des sportifs, des artistes etc. qui avaient placé leur argent dans des paradis fiscaux au Panama. Pour nommer des exemples, cela inclut le joueur de soccer Lionel Messi et l’entourage du président Vladimir Poutine. 350 journalistes répartis dans 80 pays ont collaboré à faire éclater le scandale au grand jour avec l’émission Enquête. En 2019, trois ans plus tard, les 22 états touchés par les Panama Papers ont récupéré 1,2 milliard de dollars d’impôts impayés.

Netflix s’en mêle

L’histoire n’est pas arrivée à son terme, car le géant de l’écoute en ligne Netflix a réalisé un film portant
sur les Panama Papers. D’ailleurs, le cabinet d’avocats au coeur de l’affaire, Mossack Fonseca, a poursuivi Netflix pour diffamation. Ce qui est ironique, c’est que ses avocats auraient créé plus de 200 000 sociétés-écrans pour ses clients à travers le monde. Les sociétés-écrans sont des sociétés fictives utilisées pour dissimuler des transactions financières.

 

Comment paradisent-ils leur argent ?
Par Léonie Faucher, Rédactrice en chef

La liste des scandales fiscaux s’allonge d’années en année avec les fraudes de 
type carrousel TVA sur les quotas de carbone, « Swissleaks », « Panama Papers » 
et « Paradise Papers ». La concurrence fiscale toujours à la hausse ente les États 
et les opportunités offertes par les nouvelles technologies (Logiciels frauduleux, 
monnaies virtuelles, etc.) poussent les entreprises à se tourner vers la fraude 
fiscale, comme le mentionne Olivier Sivieude, spécialiste en fiscalité, dans son 
article « Comment lutter efficacement contre la fraude fiscale aujourd’hui ? ».

Alors comment lutter contre les évasions fiscales ? « La première solution, 
baisser les impôts pour limiter la fraude, c’est régler le problème par l’absurde. 
Les impôts sont nécessaires pour financer les services publics (santé, école, 
sécurité, infrastructures, solidarité, etc.) qui sont essentiels à la qualité de 
vie des citoyens. Il faut donc d’abord dans le cadre du débat démocratique
fixer le juste niveau des impôts et ensuite veiller à ce que chacun paie son dû. 
La seconde solution, intensifier les contrôles, doit être abordée avec prudence. 
L’idéal c’est de contrôler à chaque fois que c’est utile et avec des moyens 
d’investigation appropriés. Quant à la suppression pure et simple des paradis 
fiscaux, c’est-à-dire exiger d’eux, en faisant fi du principe de souveraineté 
fiscale, qu’ils aient un niveau d’imposition similaire au nôtre, cela paraît assez
illusoire. », explique Olivier Sivieude.
Consulter le magazine