Apprendre d’Ebola pour vaincre le VIH

«Les percées technologiques et scientifiques nous font croire que nous sommes un peu plus proches de générer un vaccin efficace contre le VIH», affirme le directeur scientifique de l’Institut des maladies infectieuses et immunitaires (IMII) des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), Marc Ouellette. Le gouvernement fédéral semble aussi y croire et a choisi d’investir 6,8 M$ dans la recherche pour développer un vaccin contre le VIH.

« La plus grosse partie des subventions, c’est-à-dire 3,9 M$, est dirigée vers l’équipe de Gary Kobinger à l’Université Laval », indique le Dr Ouellette. C’est ce même chercheur qui a dirigé l’équipe ayant développé un vaccin contre Ebola lors de la dernière épidémie qui avait secoué l’Afrique de l’Ouest de 2013 à 2016.

« Il y a beaucoup de nouvelles approches qui permettent de présenter des morceaux du virus VIH au système immunitaire en utilisant, comme base, un virus complètement différent », relate le Dr Ouellette. L’équipe du Dr Kobinger utilise comme base un virus appelé virus de la stomatite vésiculaire ou VSV, comme c’était le cas lors du développement du vaccin contre Ebola.

Utiliser une base de VSV, c’est l’une des stratégies priorisées par le International AIDS Vaccine Initiative (IAVI) avec laquelle coopère l’équipe lavaloise. « C’était donc une excellente opportunité d’amener l’expertise canadienne qui a développé le vaccin contre Ebola à travailler sur un vaccin contre le VIH », souligne le directeur de l’IMII.

Tromper le système immunitaire

À la surface des virus, il y a des protéines uniques à chacun, tel que l’explique Dr Ouellette. Ce sont ces protéines qui permettent au système immunitaire d’identifier un virus. Pour développer le vaccin, l’astuce consiste donc à modifier les protéines à la surface des VSV pour qu’elles ressemblent à la surface du VIH.

Selon Dr Ouellette, pour y arriver, il faut piger les différents fragments du génome du VIH,  ceux qui sont responsables de ces protéines de surface. « Ces fragments vont ensuite être intégrés au génome du VSV », explique le chercheur.

Le VSV modifié est ensuite injecté dans des animaux. « Le système immunitaire de l’animal l’identifie comme étant du VIH et va donc développer ses anticorps contre le VIH », soutient le Dr Ouellette.

« Il n’y aura aucune infection par le VIH parce que ce sont seulement des morceaux de la surface du virus qui sont présents sur le VSV », assure-t-il. Le vaccin permet ainsi de flouer le système immunitaire en lui présentant la surface du VIH, mais sur un virus complètement différent.

« Quand l’animal sera infecté par le VIH, on pourra ensuite voir s’il y a protection ou pas », conclut le Dr Ouellette.

Défi historique

« Ça fait trente ans qu’on travaille à essayer de trouver un vaccin contre le VIH », rappelle le chercheur.

Selon ce qu’explique le Dr Ouellette, les difficultés proviennent du fait que les protéines à la surface du virus varient beaucoup. « Le système immunitaire a de la difficulté à reconnaitre tous ces virus de VIH, il ne peut pas donc monter une bonne défense immunologique », affirme-t-il.

D’après le chercheur, pour obtenir un vaccin efficace contre le VIH, il est impératif de pouvoir s’attaquer à cette diversité. « Comme le VIH a une grande variété de protéines de surface, il faut prendre plusieurs différents fragments de génomes de plusieurs différents virus pour bâtir le vaccin », précise le Dr Ouellette.

Malgré cet engouement et ces investissements, le vaccin n’est pas pour demain. Après les tests initiaux sur des animaux, le vaccin devra être testé sur des primates pour voir si la réponse est la même. Si c’est réussi, l’étude de phase 1 sur l’humain peut commencer. « Dans cette phase, il s’agit seulement de démontrer que le vaccin n’est pas toxique », ajoute le directeur de l’IMII. Ensuite, les premiers tests de protection chez l’humain pourront être effectués.

Défi de l’accessibilité

Le vaccin ne s’adressera pas à tous. « La recherche est faite pour générer un vaccin préventif et non curatif », souligne le chercheur. Ainsi c’est potentiellement seulement ceux qui n’ont pas déjà été infectés par le VIH qui pourront profiter des effets du vaccin.

Le VIH/SIDA fait sa marque partout dans le monde. L’accès à un potentiel vaccin est un facteur qui doit être inclus à une quelconque étape du développement, tel que l’explique le Dr Ouellette. « Le concept d’IAVI en tant qu’organisation internationale prend en compte la problématique mondiale du VIH », assure-t-il.

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