Grand Theft Auto 5 : plus qu’un simple jeux vidéo, une satire intelligente

Mardi, le 17 septembre, c’est avec excitation que je suis allé chercher ma copie du nouvel opus de l’un de mes jeux-vidéo favoris, nouvelle outil de procrastination massive et de longues heures passés devant mon écran HD, Grand Theft Auto 5. Il faut dire qu’avec un budget de plus de 225 millions de dollars, on s’attendait au meilleur de ce dernier épisode de la très populaire et très coûteuse franchise vidéo ludique, qui, 24 heures après sa sortie engrangeait déjà plus de 800 millions de dollars de profit. Il faut dire que, j’ai grandi avec cette série de jeux vidéo réputée pour sa violence et sa vulgarité. En bref, Grand Theft Auto est vue comme une influence néfaste pour certains, notamment les parents et certaines copines qui doivent déplorer que leurs amoureux passe son temps libre sur sa console de jeux vidéo actuellement, mais aussi un plaisir jouissif et parfois coupable pour d’autres. Je me souviens encore avoir été émerveillé par toutes les possibilités qu’offraient ce jeu qui combine la conduite de voitures et les phases de combats à pieds dans une ville ouverte et dans lequel on peut effectuer de nombreuses activités peu scrupuleuses, dont le vol de voiture, le trafic de divers marchandises parfois plus ou moins licites et les assassinats à pelleté pour diverses organisations criminelles et j’en passe. Le jeu offrait une liberté peu égalé et une immoralité choquante. Pourtant depuis la sortie de Grand Theft Auto IV, auquel je me suis adonné abondamment, je vois cette série autrement. Pour rappeler un peu à ceux qui ne s’en souviennent le jeu raconte le récit de Nico Bellic immigrant originaire d’Ex-Yougoslavie en quête de vengeance, mais aussi du rêve américain. La série dont j’étais à l’époque plus en mesure de comprendre les propos que durant mon adolescence ne m’apparaissait plus comme un défouloir lambda, mais comme une critique de la société américaine de l’époque et surtout du « American Way of Life ». Il faut se rappeler le contexte de la parution du titre, la fin du règne de Bush fils et la crise économique. La désillusion du protagoniste face à cette Amérique plus sale qu’elle n’y parait et qui finit comme tout bon Grand Theft Auto qui se respecte à monter les échelons de la société par le biais du crime organisé, m’avait alors fasciné. Pourtant le semblant de moralisme de ce personnage qui pourtant devait faire toute sorte de travaux plus croches les uns que les autres avec comme but ultime la vengeance, m’avait laissé un peu sceptique. Bellic apparaissait comme un bon gars, pris dans la tourmente d’événements se déroulant malgré lui, mais qui n’hésitait pas à agir contre ces principes dont il faisait constamment la promotion, tels que l’honneur et la bonne foi alors qu’il était entouré de personnages plus croches les uns que les autres. Pour moi ce fut toujours un problème scénaristique dans cette saga dont le propos dans une moindre mesure était relativement peu assumé, où les protagonistes semblent se dire faites ce que l’on dit, mais pas ce que l’on fait. Grand Theft Auto V a su pallier ce problème en nous proposant trois personnages immorales, mais beaucoup plus cohérent. Michael De Santa est un ex-braqueur de banque forcé de reprendre du service un peu malgré lui et délaissé par tous, dont sa femme qui le trompe constamment, son fils archétype du geek ingrat et sa fille, bimbo au talent artistique douteux rêvant de devenir une vedette international. Celui-ci fera la rencontre Franklin Clinton, un jeune afro-américain du ghetto de Los Santos rêvant de richesse et de pouvoir qui se plonge ambitieusement dans les activités criminelles les plus payantes. Il retrouvera aussi son ancien associé Trevor Philips, un redneck mentalement instable, sociopathe et vulgaire. Comme dans tout bon GTA se respectant, ceux-ci sont entourés de personnages plus sordides les uns que les autres dont la vertu est bien la dernière préoccupation. Se déroulant à San Andreas, État fictif remplaçant la Californie et plus précisément dans la région de Los Santos, parodie de Los Angeles, l’œuvre est caricaturale à fond et les références populaires sont extrêmement nombreuses, des concours télévisuelles de talents préfabriqués à la American Idole en passant par la paranoïa post-11 septembre jusqu’à Facebook et Apple, à la radio poubelle américaine ultraconservatrice, jusqu’au règne du président Obama, presque rien n’est épargné. Il est possible de passer des heures dans le jeu tout simplement à explorer et à constater à quel point l’Amérique qui est transposé y est présenté comme une gigantesque fresque caricaturale. On retrouvera même une référence discrète à notre belle province. Les États-Unis tout comme dans le quatrième opus sont vus comme une société hypocrite. Ici, c’est la farce qui justifie la violence, violence qui témoigne ici d’un humour profondément cruel, mais aussi satirique. Je me suis d’ailleurs surpris à éprouver certains malaises face à des missions du jeu, notamment celles qui sans vouloir spoiler davantage, aborde certaines méthodes du gouvernement pour assurer la sécurité de nation américaine. La brutalité du jeu est d’ailleurs au service du propos des scénaristes. Grand Theft Auto V se savoure comme un bon film de Tarantino où certaines œuvres de Oliver Stone, je pense ici notamment aux classiques Reservoir Dogs et Pulp Fiction, du premier ou encore davantage à Natural Born Killers du second. Pour moi Grand Theft Auto V demeure un excellent divertissement critique d’une Amérique moralisatrice sans l’être elle-même, mais en phase de changement. Si j’ai ce jeu en haute estime c’est que l’un des intérêts principal d’y jouer repose principalement sur ses propos graisseux d’ironie. On s’amuse, mais on rigole parfois jaune. Il s’agit d’un divertissement intelligent à condition de savoir le prendre au second degré.

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