Doit-on légaliser la prostitution?

Au Canada, la sollicitation de services sexuels est illégale. Dans le jargon économique, il s’agit d’une pénalisation de la demande.

C’est le client qui sollicite les services d’un travailleur du sexe qui s’expose à une amende. Cette façon de faire a pour but de protéger les prostitués dans l’exercice de leurs fonctions, elle entraîne toutefois plusieurs conséquences indirectes néfastes.

Les protagonistes de la légalisation totale de la prostitution avancent que des problèmes souvent liés à la pratique du métier pourraient être mieux contrôlés. En effet, la réglementation et le contrôle gouvernemental sur les normes de la pratique, les problèmes de toxicomanie et de santé mentale, les ITSS et les risques de violence physique pourraient tous être diminués. Par exemple, la rémunération sous forme de drogue ne serait pas acceptée dans un marché légalisé, ce qui diminuerait les risques de problèmes de santé résultant de la consommation de drogues illicites et ferait bénéficier d’une diminution de coûts au système de santé. Les experts sont d’avis que la plupart des proxénètes se servent des drogues pour exercer un contrôle sur leurs travailleuses et travailleurs. De plus, les prostitués seraient exclus du contexte de violence résultant des transactions de drogues.

Comme les médias le montrent fréquemment, la lutte à la prostitution entraîne son lot de problèmes pour les travailleurs du sexe. Puisque la sollicitation est criminalisée, il faut que l’offre des services sexuels soit exercée à l’abri des regards afin de diminuer les risques de détection des policiers. En poussant ainsi le marché dans les rues et les endroits isolés, les risques de violence physique et de viol sont augmentés. C’est ce qui conduit au phénomène de ghettoïsation de certains quartiers.

La légalisation est un outil de notre système économique qui permet de réglementer les activités pour optimiser la sécurité dans le processus de transaction et pour créer un environnement légal adéquat qui protège les agents économiques. La transition d’une économie souterraine à une libéralisation est lourde de conséquences. Plusieurs formes de prostitution subiraient des transformations radicales. Le proxénétisme n’aurait plus sa place car l’État serait responsable de la sécurité des employés officiellement reconnus sur le marché du travail. L’État serait apte à encadrer les activités en instaurant des balises juridiques visant à annuler la tentation de créer un marché parallèle « au noir ». Toutefois, la légalisation requiert une analyse rigoureuse des impacts possibles sur l’offre et la demande au pays. Si la légalisation entraîne une augmentation de la sollicitation des services, le risque de voir se développer un marché noir où les risques de violence et de viol sont accrus . En effet, la surveillance de l’État serait plus élevée puisque les barrières à l’échange dans les transactions causeraient une augmentation de l’activité de l’économie souterraine.

À plus long terme, la diminution de la stigmatisation à l’égard des prostitués est un avantage supplémentaire qui n’est pas négligeable. La stigmatisation crée un sentiment d’isolement qui peut aggraver des problèmes de toxicomanie et de santé en raison d’une absence de suivi médical ou psychosocial. De plus, la prostitution est souvent un dernier recours entraîné par une situation économique précaire. La légalisation a l’avantage de sortir le travailleur du sexe du contexte de violence hautement présent sur le marché actuel. Ainsi, l’individu serait moins exposé à la violence, aux drogues et aux chantages du proxénète. Ces facteurs renforcent les chances du prostitué de sortir de sa situation économique précaire pour éventuellement changer de carrière plus facilement.

L’inconvénient majeur de la légalisation est le risque de développement de marchés parallèles clandestins. Si de tels marchés se développent, c’est parce que la demande augmente considérablement suite au changement législatif qui dépénalise la sollicitation. Les proxénètes seraient moins nombreux mais plus puissants et plus dangereux pour la santé et la sécurité des prostitués à leurs services. La transition d’un secteur souterrain de l’économie vers sa pleine légalisation exige donc une analyse profonde des impacts potentiels et ce, dans les villes comme dans les campagnes. Le gouvernement doit éviter de créer un débalancement dans les centres d’offres de services sexuels pour éviter une concentration potentielle des marchés clandestins. La GRC décrit Montréal comme une plaque tournante du tourisme sexuel à renommée internationale. La clientèle est attirée par les bas prix des services et par la diversité de l’offre des prostitués de toutes origines. Plusieurs compagnies de tourisme se servent de l’attrait sexuel de Montréal pour attirer des visiteurs étrangers. Si la publicité de la ville est déjà forte dans un contexte de pénalisation de la demande, sur un marché légal, on peut penser que la demande globale augmenterait. Le gouvernement devrait indubitablement assurer une sécurité dans les rues et une surveillance sur certains sites de rencontre afin d’éviter la naissance de nouvelles formes de prostitution dans des réseaux clandestins de proxénètes.

La libéralisation économique de la prostitution n’est qu’une façon de s’attaquer aux problèmes découlant de cette activité. Le projet soulève un questionnement relatif à la notion de moralité de l’exercice du métier de prostitué et le consensus est loin d’être atteint à ce sujet.

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