Le début d’une descente aux enfers

Le sommet du G20 à Londres aura permis de faire un progrès considérable dans la lutte contre l’évasion fiscale. Le communiqué final du sommet annonce que les membres se sont entendus pour mettre fin au secret bancaire. Cette déclaration qui a fait écho jusqu’à l’Assemblée nationale du Québec suscite pourtant le mécontentement de plusieurs groupes de gauche.

Dans le cadre de la rencontre historique de Londres, l’OCDE a mis à jour sa liste de paradis fiscaux. Cette liste, divisée en trois groupes en fonction de la volonté des pays à se plier aux standards internationaux sur le plan fiscal, provoque déjà la controverse. Sur la liste noire figurent seulement le Costa Rica, la Malaisie et les Phillipines. Pourtant, certains pays et régions comme la Suisse ou l’État américain du Delaware se trouvent sur la liste grise et la liste blanche malgré le fait qu’ils sont d’importants centres financiers offshore.

Cette dichotomie surprenante a soulevé l’indignation du Parti socialiste français et de quelques groupes humanitaires. Une confusion de termes est peut-être à l’origine de cette controverse. Les paradis fiscaux ne sont pas définis uniquement par l’importance du secret bancaire, mais par plusieurs facteurs. Principalement, ces juridictions appliquent des impôts inexistants ou insignifiants, bien que ce critère n’est pas suffisant pour qualifier une juridiction de paradis fiscal. Le secret bancaire, bien que présent dans plusieurs paradis fiscaux, correspond plutôt aux juridictions qualifiées de paradis bancaires. La liste de l’OCDE n’a pas été composée en fonction du secret bancaire, bien que ce soit le terme sur lequel la déclaration finale du G20 met l’accent.

Peu importe cette confusion, le désir du G20 d’appliquer des sanctions contre ces trous noirs de la finance mondiale est capital. Selon les rapports de l’ONU, environ trois millions de sociétés-écrans seraient installées dans les paradis fiscaux. À l’échelle mondiale, c’est 10 000 G$ d’actifs financiers qui seraient détenus et gérés via des paradis fiscaux. Environ 50 % des flux financiers mondiaux y transiteraient. Le manque à gagner est gigantesque pour plusieurs nations. Les États-Unis y perdent 100 G$ par année, et l’Allemagne 50 G$. Pour les pays en développement, la perte est estimée autour de 120 milliards d’euros. Ces estimations demeurent imprécises en raison du manque de transparence des paradis fiscaux.

Le désir de s’attaquer à l’évasion fiscale a résonné au Québec. Pendant le sommet du G20, l’Assemblée nationale s’est prononcée à l’unanimité pour exiger du gouvernement fédéral qu’il ratifie les conventions fiscales bilatérales avec les États et provinces qui se sont engagés auprès de l’OCDE, à mettre en place des échanges effectifs de renseignements en matière fiscale pour en améliorer la tranparence. Il est facile de comprendre la grogne des élus québécois, qui peinent à maintenir l’équilibre budgétaire depuis des années, sachant que l’évasion fiscale a créé un manque à gagner de 1,8 G$ pour la province entre 1993 et 2007. Ces résultats qui proviennent d’une recherche de la Chaire d’études socio-économiques de l’UQÀM, laissent transparaître le laxisme du Canada en la matière.

Le premier pas a été franchi au sommet du G20 à Londres. On assiste à un retour de la force politique sur le laissez-faire économique. Il y avait longtemps que les puissances ne s’étaient pas entendues pour envoyer un message aussi fort. Par contre, le plus dur est à venir. S’entendre sur les sanctions et faire ratifier les engagements des chefs d’État dans leurs pays risque d’être très long et fort complexe.

Auteur / autrice

Consulter le magazine