Les coupes annoncées récemment à Radio-Canada ne sont pas de bon augure pour les journalistes. Les médias québécois peinent à comprendre l’évolution de leur propre monde et les premières victimes en sont les journalistes. En même temps, une diminution du nombre de professionnels de l’information ne peut qu’en diminuer sa quantité et sa qualité, et le citoyen ne peut qu’en ressortir perdant. Lorsqu’une télévision d’État d’un pays du G8 ferme ses bureaux en Afrique, il y a des questions à se poser. Si Radio-Canada décide de couvrir à distance l’actualité d’un continent de près de 950 millions d’habitants, imaginez la considération de la société d’État pour le sport.
Il y a longtemps qu’on a fait des journalistes sportifs des acteurs de second plan. Tout a commencé avec la disparition du bulletin de sport de fin de soirée, suivie par la disparition de la Soirée du hockey sur les ondes publiques. Quoique l’on en pense, dans le contexte culturel québécois, l’accès au traditionnel match de hockey du Canadien le samedi soir relève plus d’un droit que d’un privilège accordé seulement aux abonnés des chaînes spécialisées. La chaîne TVA a aussi laissé tomber le sport depuis belle lurette, même chose à TQS qui autrefois diffusait les rencontres des Nordiques.
Même si une grande partie des Québécois ont accès à ces chaînes, la qualité journalistique du sujet reste douteuse. En fait, si on recule dans le temps, l’avènement de la télé a complètement chamboulé la façon de décrire et de transmettre le sport. Rapidement, le principe d’exclusivité de la retransmission des événements sportifs s’est installé. Cette exclusivité est une entorse au droit à l’information. Le quasi monopole de RDS sur l’actualité du Canadien est l’exemple local le plus frappant, et le réseau, qui vit des battements de cœur des Habs, se retrouve dans une position délicate où il devient difficile de critiquer de façon juste les Glorieux. La perte de cette exclusivité représenterait ni plus ni moins que la fin de RDS, ce qui constitue un moyen de pression direct sur ce qui peut être dit ou pas. On y retrouve donc beaucoup d’analyses, mais peu d’enquêtes. Donc beaucoup de gérance d’estrade et peu de journalisme.
Cela n’empêche pourtant pas les journalistes sportifs de créer leurs propres sujets. La saga Vincent Lecavalier à l’automne dernier en est la preuve. D’un simple commentaire émis par un directeur général, les journalistes montréalais ont créé un roman-savon qui a beaucoup nuit aux performances de l’équipe. Dans l’histoire des médias sportifs, plusieurs ont vu le jour en créant leur propre événement. Les médias, dans leur ensemble, sont écrasés par les pressions financières et du coup, deviennent toujours un peu plus fragiles et donc plus dépendants.
Le principe des accréditations aux événements sportifs représente également un frein à la pleine indépendance des journalistes sportifs. Que ce soit pour la couverture du Rouge et Or ou des Jeux Olympiques, les organisations possèdent le pouvoir tout à fait discrétionnaire d’accorder ou pas une accréditation pour un média. La multiplication des plateformes médiatiques, donc du nombre de médias, complique cette situation. Les organisations sportives doivent faire des choix, ce qui leur permet d’établir des critères précis d’attribution des accréditations. Encore une fois, cela devient un moyen de pression sur ce qui peut ou doit être dit. Ultimement, cela mène soit à la complaisance, soit à la simple description, dénuée de toute critique et de questionnement.
Nous en apprenons toujours un peu plus sur les émotions des sportifs et sur celles des journalistes, mais toujours un peu moins sur le sport. Le côté voyeur des médias fait en sorte qu’ils se retrouvent à parler du sport comme d’une pièce de théâtre ou d’une série télévisée, oubliant ainsi sa vraie nature. Pour preuve, la nouvelle émission de télé-réalité que TQS va diffuser cet été sur la maison de Maxim Lapierre. Pourtant, peu s’en plaignent. Pire encore, c’est que les actions des médias sont dictées par le désir des spectateurs et des lecteurs.