Malgré la force incroyable des armes nucléaires, ni l’URSS ni les États-Unis ne les ont utilisées lors de la Guerre froide, même lorsqu’ils étaient en déroute. Cette retenue n’a vraisemblablement pas empêché le développement et le test de bombes de plus en plus puissantes, ou de plus en plus dangereuses.
Thazha Varkey Paul, professeur à l’université McGill et spécialiste de la prolifération nucléaire, explique le phénomène de non-utilisation des armes nucléaires par l’existence d’une forte tradition internationale. De passage à l’Université Laval à l’invitation de l’Institut des hautes études internationales, il a répondu aux tenants du «symbolisme nucléaire», qui arguent l’existence d’un tabou social sur son emploi. M. Paul affirme que «tout le monde veut de telles armes, et que […] de nombreux stratèges militaires considèrent effectivement leur utilisation». Selon lui, le tabou n’existe pas, puisque les armes sont parties prenantes d’une stratégie directe.
Si les bombes n’ont pas sauté depuis 1945, c’est parce qu’elles sont «peu utiles, inappropriées dans beaucoup de situations de guerre, et […] causeraient un dommage incroyable à la réputation d’un État en faisant usage». Elles servent essentiellement à dissuader et à riposter, selon le professeur.
Une question d’actualité
La protection et le symbole d’une arme nucléaire sont très importants pour les États de moindre puissance. De là leur acquisition et leur perfectionnement par des pays comme le Pakistan, la Corée du Nord ou l’Inde. Les observateurs internationaux ont noté que l’essai nord-coréen de la semaine dernière a sans doute conféré une assise importante au régime à l’intérieur du pays.
Toutefois, à la question cruciale «doit-on craindre une intervention nucléaire?», M. Paul répond un non catégorique : «Pour utiliser une arme nucléaire, il faut une influence, un pouvoir et une justification que personne n’a (et n’aura) sur la scène internationale.» Cela ne l’empêche pas de souhaiter davantage de législation et d’encadrement international, même s’il estime que la prohibition pour certains États n’est pas vraiment une solution.
Déclaration stratégique
Le 5 avril dernier, Barack Obama a exprimé sa volonté d’obtenir un monde «libre du nucléaire». Anessa Kimball, professeure au Département de science politique de l’Université Laval, a signifié lors de la conférence de M. Paul que, dans le contexte actuel, cette déclaration n’était pas motivée par un quelconque idéalisme. Elle a avancé qu’il s’agirait davantage d’un calcul américain visant à limiter le nombre d’armes, réduisant de facto des risques de riposte. Une façon efficace de renforcer une hégémonie militaire américaine?