Les contaminants d’intérêt émergent : enjeux émergents pour la population ?

Les contaminants sont de plus en plus à l’ordre du jour, car nos connaissances et nos outils s’améliorent de jours en jours. C’est lors d’un bar des sciences organisé par l’Association des communicateurs scientifiques que plusieurs enjeux concernant ces polluants ont été abordés en réponse aux préoccupations du public.

Lou Sauvajon

Le gouvernement évalue actuellement près de 20 000 molécules concernant leurs conséquences éventuelles pour la santé et l’environnement. Il s’agit de substances nouvelles ou de substances connues dont « on ne soupçonnait pas les effets ou la présence dans l’environnement » a expliqué Mélanie Desrosiers, écotoxicologue pour le gouvernement.

Un contaminant d’intérêt émergent (CIE) « c’est un produit chimique qui peut présenter une menace potentielle que ce soit pour la santé ou l’environnement, et qui ne fait pas encore l’objet de critères ou de normes », a expliqué Mme Desrosiers qui travaille pour le Ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP). Pour donner quelques exemples, elle cite les composés pharmaceutiques, les produits de soin corporel, les plastifiants, les retardateurs de flamme, les nouveaux pesticides, les nanoparticules, et bien d’autres.

Ce sont des substances qui se retrouvent dans notre alimentation, dans l’eau que nous buvons, dans l’air que nous respirons, dans les cours d’eau dans lesquels nous nous baignons, sans que nous sachions comment les gérer.

Ces informations restent bien souvent  dans la sphère gouvernementale et dans la communauté scientifique, ce sont pourtant des questions de société. D’après Gaëlle Truffaut Boucher qui travaille également pour le MDDEFP, ces questions nous concernent tous, car « la présence des contaminants est liée au fait que l’on est dans une société de consommation avec le besoin d’un certain confort. »

Les  principaux enjeux soulevés

C’est lors d’une table ronde conviviale et dans une atmosphère décontracté, que le public a pu faire part de ses préoccupations et orienter la discussion. La diversité d’expertise des quatre panélistes a permis de couvrir de nombreux enjeux.

Si l’on parle de concentrations infimes pour certaines substances (comme les nanoparticules), il ne faut pas négliger leurs effets et leur accumulation qui pourrait augmenter la toxicité. Il peut également y avoir un effet cocktail des différentes molécules auxquelles nous sommes exposées.

La difficulté est de règlementer rapidement ces substances, et, avec la rapidité de l’industrie, le défi est grand. Mme Truffaut Boucher explique que « l’industrie est tellement puissante et tellement forte qu’ils (les industriels) vont très vite par rapport au défi que représente la règlementation. » Il faut rappeler que ce n’est pas la seule source de contamination, cette pollution concerne également les eaux municipales et l’agriculture.

Un des nouveaux enjeux des CIE c’est le fait que la toxicité peut se transmettre d’une génération à l’autre du fait de la perturbation des spermatozoïdes comme l’a expliqué Janice Bailey qui travaille au Centre de recherche en biologie de la reproduction.

Un autre enjeu abordé concerne l’accumulation des substances lorsqu’on remonte dans la chaine alimentaire des êtres vivants. Ainsi, comme l’illustre Mme Bailey, « un béluga mange beaucoup de choses contaminées dont les substances restent dans son corps. » Haut placé dans la chaine alimentaire, il est tellement exposé que « lorsqu’il y a un béluga qui meurt dans le Saguenay, il est traité comme les déchets toxiques. »

Quelles conclusions tirer ?

Difficile pour les panélistes de faire un bilan sur un sujet aussi vaste abordé en moins de deux heures. Certains sont confiants dans nos avancées,  dans la coopération internationale et en ce qui concerne la recherche sur ces substances.

Depuis la première substance – le DDT dans les années 60, la situation s’améliore d’après Mélanie Desrosiers, en particulier sur le plan environnemental au Québec. « Il y a eu de grandes améliorations dans les dernières années. Avant les années 70, il y avait à peine des stations d’épuration des eaux municipales, et les industries relâchaient tout dans le fleuve sans aucun contrôle», a-t-elle souligné.

En revanche, certains points sont plus sensibles, et Janice Bailey ne peut s’empêcher de parler d’un ton alerte lorsqu’elle évoque les coupes budgétaires. Pour elle, il y a des risques au fait que la recherche est de plus en plus financée par les entreprises, même si elle voit les partenariats avec l’industrie comme un élément très précieux de la recherche. Elle met en garde le public contre certaines problématiques liées aux compressions budgétaires, comme le fait que l’ « on fait des recherches très orientées vers les besoins industriels », eux-mêmes sources de CIE.

Il ne s’agit pas de devenir paranoïaque sur tout ce qui nous entoure, et ça, tous les pénalistes s’accordent sur ce point. Mme Bailey insiste sur le fait de relativiser. Il faut faire attention à nos choix, a-t-elle conclu, en s’adressant à la vingtaine de personnes qui, peut-être, s’empresseront d’aller fumer une cigarette en sortant du pub.

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