Tom à la ferme arrive sur les écrans québécois déjà auréolé de gloire : lancé l’an dernier à la prestigieuse Mostra de Venise, le dernier-né du prodige québécois Xavier Dolan avait été chaudement applaudi, remportant même le prix de la critique internationale.
Tom, jeune concepteur de publicité montréalais, est en deuil : son amant et collègue vient de mourir. Le métropolitain débarque alors en pleine campagne québécoise afin d’assister aux obsèques de son amoureux. Mais, bien vite, rien ne va plus : lorsque Tom se présente chez la famille du défunt, il réalise rapidement que celui-ci a soigneusement caché son existence à sa mère alors que son frère aîné, fermier tourmenté, homophobe et impulsif, fait tout pour préserver le secret. Menacé, battu, humilié, Tom se retrouve prisonnier de cet homme dangereux et magnétique, entraîné dans une spirale de mensonges, plongé dans une relation violente, ambiguë, et tordue avec son bourreau et beau-frère…
On a dit du plus récent long-métrage de Xavier Dolan qu’il empruntait, avec brio, la forme du thriller hitchcockien. Le cinéaste met en scène en film nerveux, et plonge le spectateur dans une atmosphère oppressante, anxiogène. L’exercice se veut intense, dérangeant, haletant, et il l’est à certains égards ; malheureusement, passés les premiers rebondissements, Tom à la ferme devient vite lassant. La raison en est simple : il faut une foi presque aveugle pour suivre jusqu’au bout la proposition du cinéaste. La pièce de Michel Marc Bouchard, qui a inspiré le film — le dramaturge a d’ailleurs contribué au scénario —, souffrait du même défaut : on n’y adhérait que difficilement. Le propos est dur et fait tout l’intérêt de l’oeuvre pour ceux qui en connaissent le déroulement. Ne pas s’en émouvoir, c’est plonger directement vers l’ennui.
Pourtant, les acteurs livrent de belles performances. Lise Roy est magnifique en mère éplorée, et Pierre-Yves Cardinal demeure très crédible en brute tourmentée. Évelyne Brochu et Manuel Tadros ont quant à eux hérité de rôles brefs, mais marquants. Reste Xavier Dolan, dans le rôle principal, qui peine à s’effacer derrière son personnage. Quant à la réalisation, parfaitement maîtrisée et rythmée, elle offre au regard de magnifiques images alors que les plans larges et les plans serrés alternent, mettant tantôt en vedette des paysages gris et vides, très incarnés, tantôt des corps et des visages meurtris. Les fans de Dolan regretteront cependant les fulgurances et l’emphase stylistique propres au réalisateur, malheureusement absentes d’une production plus sage. Seule la musique pèche par excès et se fait souvent inutilement grandiloquente. Au final, Tom à la ferme demande au spectateur de faire acte de foi ; ceux qui ne s’en montrent pas capables penseront que Dolan, pour la première fois, a pris le champ.