La science légale pourrait venir en aide à des espèces végétales menacées en Afrique du Sud, là où de nombreuses espèces de cycadales se trouvent en danger d’extinction.
André-Philippe Drapeau Picard
Le braconnage ne menace pas uniquement la survie des éléphants d’Afrique; il met aussi des espèces de plantes en péril. C’est le cas en Afrique du Sud où, des 38 espèces de cycadales de ce pays, trois ne se retrouvent plus en milieu naturel, et douze sont en danger critique d’extinction.
Les cycadales forment un embranchement du règne végétal apparu il y a au moins 250 millions d’années. Avec leurs grandes feuilles au sommet d’une tige robuste, ils rappellent les palmiers (vous pouvez en admirer un spécimen dans la cafétéria grise du pavillon Alexandre-Vachon). On les retrouve principalement dans les régions tropicales et subtropicales. Ces plantes peuvent vivre longtemps – des centaines d’années – et atteindre une taille impressionnante, soit près de 18 mètres, mais leur croissance est très lente. Leur rareté et leur esthétisme font l’envie de certains collectionneurs, qui sont parfois prêts à payer des dizaines de milliers de dollars pour un seul spécimen. Voilà ce qui rend le braconnage si rentable.
Une fois qu’un cycadale est prélevé de son milieu, il devient difficile de déterminer son origine. Ainsi, les autorités peuvent rarement contredire un collectionneur affirmant que ses plantes ont été cultivées, alors qu’elles ont été récoltées illégalement.
C’est pour tenter de remédier à ce problème que des chercheurs d’Afrique du Sud ont étudié les isotopes stables de deux espèces de cycadales. Les isotopes d’un élément diffèrent en nombre de neutrons dans leur noyau, et leur abondance relative varie d’une région à l’autre. Les organismes vivants prennent leurs ressources dans leur environnement, et les intègrent dans leurs tissus, ce qui fait de la signature isotopique un indicateur géographique potentiel. Cette approche a déjà été utilisée avec succès pour connaître l’origine d’ivoire ou de drogues. Jusqu’à présent, on ignorait si elle était applicable aux cycadales.
Les chercheurs ont donc mesuré l’abondance des isotopes de plusieurs éléments, comme l’oxygène, le soufre, l’azote et le strontium. Conformément à leurs attentes, ils ont observé des différences entre spécimens provenant de régions différentes. De plus, ils ont montré que ces différences se conservent avec le temps, ce qui permettrait par exemple d’incriminer un collectionneur possédant illégalement un spécimen depuis des dizaines d’années.
Ces résultats encourageants paraîtront sous peu dans le Journal of Forensic Science. L’application de cette méthode vise à faire diminuer la demande en cycadales issus du milieu naturel en s’attaquant aux acheteurs. Pour préserver la diversité de ces plantes, dont 28 espèces sont endémiques à l’Afrique du Sud, les autorités devront agir efficacement. En effet, le commerce de cycadales illégaux est en augmentation depuis les années 1990, et à ce rythme d’autres extinctions surviendront dans les prochaines années, voire les prochains mois.
Les auteurs de cette étude collaborent déjà avec la police pour l’analyse de tissus de cycadales suspects.