Play Boys
Ghayas Hachem
Éditions Boréal
Lapin, cow-boy et kalachnikovs
Ref’at, Wissame et Ramzi vivent quelque part à Nul Part, dans un immeuble d’appartements à Beyrouth. Les pères sont absents. Les bombes explosent. Les mères sont frigides. Ref’at et Wissame s’imaginent un monde dans lequel ils tirent et font du bien aux femmes rencontrées tantôt sur une photo, tantôt dans la cage d’escalier. Ramzi, lui, s’efforce de réussir ses cours d’été, noyé dans ses livres.
Comme les trois petits cochons, ils construirons alors, et du mieux qu’il peuvent, leur maison. Pour, et sans le savoir, se mettre à l’abri du loup. Mais dehors, il n’y a que de la paille et le souffle du loup triomphe puisque la guerre n’épargne aucun mur. Même en béton.
Ghayas Hachem nous porte, avec ce roman, à constater l’envers du pays des merveilles. Où le lapin, omniprésent, devient le symbole de l’ironie dans un monde où les bébés entendent retentir les balles des fusils avant les battements de cœur de leur mère. Où le cow-boy, un étrange et jeune rockeur qui adore Black Sabbath et les Range Rover, devient maître d’un trop gros morceaux d’extérieur, ou d’intérieur, on ne sait plus. Et surtout, où les kalachnikovs deviennent le pont précoce entre la naïveté de l’enfance et la torture, le sexe, la mort et les opérations suicides.
L’histoire porte, plombe, hypnotise, mais son charme semble reposer plus foncièrement dans l’imaginaire de l’auteur que dans sa prose. Si ce n’est qu’à quelques reprises, l’essence du style de l’auteur n’est pas marquée dans les pages du roman Play boys. Les phrases manquent de personnalité et on ne s’y reconnaît pas assez. Toutefois, Ghayas Hachem tient dans son livre quelque chose qui surprend, qui promet. La narration est ingénieuse. Les personnages sont bouleversants. L’auteur réussit à faire un huis-clos de tout un univers.
Play boys est comme une tranche dans l’espace-temps si concise mais si vaste en même temps. Sa fin unit l’espoir au perpétuel ennui. Elle ne déchire pas les lecteurs et les personnages non plus. Elle surprend un peu certes, mais sans remous ni révolte. Comme quelques pages de plus dans un roman où on voudrait continuer, et que ça cesse. Mais c’est bien ainsi.
Ghayas Hachem peut donc signer son premier roman en toute fierté. Il peut aussi se vanter d’avoir rendu réel quelque chose qui pour tous est comme un rêve, comme une dystopie impossible, qu’on ne voit qu’au cinéma. Ghayas Hachem a mis un fusil dans les mains d’un garçon, lui a fait tuer un homme par treize balles et ne l’a pas blâmé, ni applaudit.
3/5