Jean-François Lisée : Préserver l’indépendance des universités

Entre sa course à la chefferie du Parti québécois et la publication de son autobiographie de ses 18 mois comme ministre des Relations internationales et du Commerce extérieur, Jean-François Lisée est en mode rebondissement. De passage à l’Université Laval pour présenter son livre, Impact Campus l’a interrogé sur sa vision de l’éducation supérieure.

I.C : Quelle est votre vision du rôle des universités et comment envisagez-vous les spécificités du Québec en la matière ?

J-F.L : « Il y a quelque chose que Pauline Marois avait décidé de créer, c’est un ministère pour l’éducation supérieure, la recherche et l’innovation [légalement nommé ministère de l’Éducation supérieure, de la Recherche, de la Science et de la Technologie]. On avait développé une politique de l’innovation qui avait été applaudie à la fois par les universitaires et les gens qui étaient dans la recherche pure, […] et à la fois par les entreprises qui sont dans la recherche appliquée. Et ça, c’est un tour de force. C’est quelque chose qui ne se fait pas au Canada et aux États-Unis. Au Canada, ils sont juste sur la recherche appliquée. La recherche sociale, on le sait, […] ça ne les intéresse pas. Si on ne peut pas produire dans l’année à partir de la recherche, ça ne les intéresse pas. »

« Au Parti québécois, la proposition qu’on faisait, c’était d’aider toute la recherche, d’aider aussi la recherche en science sociale. C’était de faire des ponts et de préserver l’indépendance des universités face à la marchandisation. C’est pour ça qu’on avait désigné Lise Bissonnette comme présidente d’une commission sur les universités, parce qu’on savait que pendant des décennies elle s’était opposée à transformer les universités en genre de laboratoires d’entreprises. Il faut qu’il y ait des liens, mais ce n’est pas la vocation de l’université. »

Justement, quels liens devrait-il y avoir entre les entreprises privées et l’université ?

« Il y a de la valorisation du travail de certains étudiants et de chercheurs pour pouvoir amener leur produit au marché, c’est normal. Mais il faut bien distinguer que l’université a des ponts avec ça comme il y a des ponts avec le monde politique. Par exemple, la recherche dans les sciences sociales a beaucoup aidé le développement des CPE [Centre de la petite enfance] et toute notre politique pour l’enfance. On a effectivement un dialogue entre les chercheurs et le monde politique, qui est très actif et c’est très sain. Mais l’université, elle est indépendante. Elle est branchée sur le réel, mais elle n’est pas au service de l’un ou de l’autre. Elle est au service du savoir […] et de la collectivité à travers sa production de savoir. »

Comment voyez-vous la réduction de 42 millions $ du budget de l’Université Laval demandée par le gouvernement ?

« Au moment du Sommet sur l’éducation, on avait fait des rationalisations, c’est vrai. Mais on était satisfaits de savoir que s’il y avait du gras, on l’avait enlevé et que là, on était en mode réinvestissement. Dans notre cadre financier, on avait prévu des investissements. Là, le gouvernement a décidé qu’il ne veut réinvestir nulle part. Des fois pour économiser, il faut économiser. Des fois pour économiser, il faut dépenser. La société, ce n’est pas des chiffres. La société, c’est la qualité de la vie, l’épanouissement des jeunes, la dignité des aînés, c’est la culture, c’est investir pour demain, c’est la prévention pour que ça coûte moins cher dans le curatif. »

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