Turcotte et Magnotta : Les tueurs « fous », qui sont-ils ?

Christophe Gauthier-Davies, collaborateur du Criminoblogue

 

« C’est un maudit psychopathe, un maudit fou, un débile! »

Si on s’empresse rapidement de qualifier les tueurs de « fous », il faut savoir qu’il existe une nuance à faire au sein de cette « folie ».

Les médias rapportent généralement les meurtres de deux types de tueurs « psychos », soit les psychopathes et les psychotiques. Ces deux types de tueurs sont très souvent confondus. Ainsi, s’ils possèdent le même préfixe les psychotiques et psychopathes sont très différents.

Le plus facile à comprendre, c’est le psychotique. On fait ici référence à un tueur qui souffre d’une psychose. Autrement dit, il s’agit d’un tueur déconnecté de la réalité. Cette « déconnexion» de la réalité s’exprime par des hallucinations ou encore des distorsions cognitives (croyances profondément anormales). La psychose la plus aigüe est probablement la schizophrénie. Les crimes commis par ces tueurs seront souvent en lien avec ses hallucinations ou ses distorsions. Par exemple, un homicide sera commis par un individu qui croyait avoir reçu un quelconque ordre d’un extra-terrestre ou encore, un meurtre sera commis sous une quelconque conspiration gouvernementale. La notion de conspiration est souvent associée aux tueurs psychotiques.

Les tueurs psychopathes sont un peu plus complexes. Généralement, ils sont caractérisés par les deux composantes suivantes : le manque d’empathie et le comportement antisocial. Attention, le terme « antisocial » fait référence au non-respect des normes sociales et non le fait d’être peu sociable. Au contraire, c’est bien l’une des caractéristiques des psychopathes d’avoir une très bonne aisance sociale. Le caractère antisocial correspond ici aux crimes commis. L’exemple typique serait celui du bon père de famille qui paraît généralement bien et en confiance. Par contre, à l’insu de son entourage, celui-ci adopte des comportements déviants et pourrait commettre des meurtres de façon astucieuse. Habituellement, lorsqu’un tueur psychopathe  se fait prendre, son entourage est très surpris. En ce qui concerne le manque d’empathie, c’est simple, il est question de l’incapacité à ressentir les émotions des autres, par exemple, la souffrance lors d’un crime commis. Par conséquent, les psychopathes sont des personnes généralement égocentriques et, dans plusieurs cas, narcissiques.

Et maintenant, la question que vous attendez tous … Qu’en est-il de Turcotte et Magnotta ?

Pour Magnotta, c’est un peu plus clair. Il serait prudent d’avancer qu’il s’agit d’un tueur de type psychotique : diagnostiqué schizophrène paranoïde depuis 2005 avec hallucinations sévères et croyances à une certaine conspiration gouvernementale (c’est pourquoi il a envoyé des morceaux de corps un peu partout). Par contre, Magnotta est un être assez narcissique ce qui correspond généralement à un trait de psychopathie. Il faudrait peut-être considérer ce trait comme un trouble isolé si l’on considère qu’il est psychotique.

En ce qui concerne Turcotte, ça se complique. La folie passagère décrétée par la cour est une psychose. Dans un tel cas, il s’agirait d’un tueur psychotique. Par contre, c’est beaucoup dire qu’il s’agit d’un tueur psychotique si l’on considère qu’il n’a été en psychose que pendant un bref moment. Il ne s’agit certainement pas du tueur le plus psychotique de l’histoire. Par contre, Guy Turcotte est un père de famille qui a réussi professionnellement. À première vue, on pourrait faire un lien avec la psychopathie, mais il manque beaucoup trop d’éléments pour un tel constat. Les psychopathes, généralement intelligents, ont davantage l’habitude de faire des crimes qui seront bien « camouflés » ce qui n’est vraiment pas le cas ici.

 

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