Étudiants-athlètes = meilleurs employés ?

Les étudiants-athlètes comme ceux du Rouge et Or font-ils de meilleurs employés une fois rendus sur le marché du travail ? À voir les compétences développées par ces derniers lors de la poursuite de leur excellence sportive et académique, il serait tentant de conclure par l’affirmative. Pourtant, la réalité n’est pas aussi simple.

Ils concourent pour les plus grands honneurs dans leur sport, obtiennent des résultats académiques supérieurs à la moyenne et contribuent au rayonnement de leur institution d’enseignement. Il n’y a pas à dire : les étudiants-athlètes sont des individus qui figurent dans une classe à part. Mais font-ils de meilleurs employés ? « Oui, certainement », répond sans hésiter Gilles Lépine, responsable du programme d’excellence du Rouge et Or et lui-même ancien étudiant-athlète en volleyball.

« Ce sont des gens qui ont une rigueur, une éthique de travail et un intérêt à travailler en équipe hors du commun. Ils voient des défis et des occasions de se dépasser là où des individus normaux perçoivent des problèmes et des sources de stress potentielles. Ce sont toutes des caractéristiques qui témoignent d’un grand appétit pour l’excellence et qui sont toujours très intéressantes en entreprise », martèle-t-il.

Un avis qui est partagé par Charles Fortier, joueur pour l’équipe masculine de basketball du Rouge et Or au début des années 2000 et membre fondateur de Planica, un cabinet de services financiers de Québec. « Lors de ma carrière d’étudiant-athlète, j’étais habitué de m’entraîner, de compétitionner et de gérer un horaire surchargé. C’était normal de jongler avec tout ça et ça s’est répercuté dans mon travail », soutient celui qui a aussi évolué pour les défunts Kebs de Québec.

Manque à gagner ?

Entre les semaines d’entraînement volumineuses et les charges de cours d’au moins douze crédits par session, il reste très peu de temps aux étudiants-athlètes pour s’investir dans d’autres projets susceptibles de bonifier leur curriculum vitae. Ce manque à gagner curriculaire ne les désavantage-t-il pas auprès des employeurs ? Foutaises, pense Charles Fortier.

« Je pense que le bagage qu’un étudiant-athlète va chercher dans le sport de compétition est plus grand que celui extérieur à cet univers. De toute façon, son manque à gagner peut facilement être rattrapé par la suite puisqu’il a développé un savoir-être, une attitude qui rend possible l’acquisition rapide de nouveaux savoirs. »

Au contraire, pense Gilles Lépine, le fait d’avoir une expérience d’étudiant-athlète indiquée à son CV est un avantage certain auprès des employeurs. « Combien de fois m’a-t-on dit : “Gilles, le Rouge et Or m’a aidé à me démarquer et à me vendre” ? Je ne les compte plus tant elles sont nombreuses. »

Ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à mentionner cette réalité aux futurs étudiants-athlètes. « Je leur dis qu’en s’impliquant dans le Rouge et Or, ils investissent dans leur avenir puisque leur niveau d’intérêt auprès des employeurs sera clairement plus élevé », affirme-t-il.

Au-delà de l’aura

Poser la question de l’employabilité des étudiants-athlètes, c’est nécessairement poser la question des préjugés et stéréotypes en recrutement et sélection du personnel, pense François-Bernard Malo, professeur agrégé au Département des relations industrielles de l’Université Laval. « Il y a une aura souvent positive, parfois négative, qui entoure les étudiants-athlètes et qui n’est pas toujours fidèle à la réalité », analyse-t-il.

Par exemple, il serait facile de penser que les étudiants-athlètes sont des individus en bonne santé et disciplinés, alors que ce n’est pas forcément le cas. De la même manière, il peut être abusif de conclure que les étudiants-athlètes étudient uniquement parce qu’ils y sont obligés pour pratiquer leur sport.

« Si on ne va pas plus loin que l’aura, ça se peut qu’on tombe dans le piège qui consiste à embaucher quelqu’un sur la base de son seul statut d’étudiant-athlète, ce qui peut aboutir à des décisions malheureuses. Car, ce n’est pas vrai qu’un étudiant-athlète sera un bon employé pour n’importe quelle organisation et à n’importe quel poste », tranche le professeur spécialisé en dotation du personnel.

Une nuance que Gilles Lépine est prêt à faire. « Il y a certainement des emplois routiniers dans lesquels les étudiants-athlètes ne retrouveront pas l’adrénaline et les défis nécessaires à leur épanouissement. Ils seront naturellement tentés de regarder ailleurs », concède-t-il.

Ce village nommé Québec

C’est bien connu : à Québec, le Rouge et Or est une institution dont la portée et le prestige ne sont plus à faire. Est-ce que cette réalité se répercute lorsque vient le temps pour un étudiant-athlète qui y évolue de se trouver un emploi ?

« Je parle à titre personnel, mais, moi, ça m’a servie d’être le Charles Fortier du Rouge et Or et des Kebs, lance le principal intéressé. Les employeurs, à Québec du moins, ont en général cette mentalité. Ça m’a ouvert des portes qui, si j’avais joué dans une autre ville, ne m’auraient pas été ouvertes. »

« Je le dis sans méchanceté, mais Québec, c’est un gros village dans lequel il est facile de bénéficier de beaucoup de visibilité médiatique », conclut-il.


Ce que la science en dit…

Les étudiants-athlètes connaissent davantage de succès que les non-étudiants-athlètes lors de leur carrière professionnelle. C’est une des conclusions à laquelle est arrivé un groupe de l’Université Cornell, dans l’état de New York.

Dans cette étude parue plus tôt cette année dans le Journal of Leadership & Organizational Studies, les chercheurs se sont penchés sur le parcours professionnel de 931 anciens étudiants-athlètes qui ont concouru il y a une soixantaine d’années.

Lorsqu’interrogés, ces derniers se disent plus compétents en gestion du personnel que leurs semblables ayant pris part à d’autres activités extracurriculaires lors de leur passage sur les bancs d’école. Aussi, ils sont plus susceptibles de donner de leur temps et de leur argent pour des causes qui leur tiennent à cœur.

Selon les auteurs, « ces conclusions contribuent à un corps grandissant de littérature scientifique sur les compétences développées par les étudiants-athlètes lors dans le cadre de leur cursus scolaire ».


86 %

C’est le taux de diplomation moyen chez les étudiants-athlètes du Rouge et Or. Ce dernier est 13 points plus élevés que celui de l’ensemble des étudiants de l’Université Laval qui est de 73 %.

 

Auteur / autrice

  • Maxime Bilodeau

    Journaliste (beaucoup), kinésiologue (un peu) ainsi qu’amateur de sports d’endurance (jamais assez), Maxime œuvre au sein d’Impact Campus depuis 2013. Le journaliste-bénévole qu’il était alors a ensuite dirigé les Sports pour, finalement, aboutir à la tête du pupitre Société, une entité regroupant les sections Sports, Sciences & technologies et International. Celui qu’on appelle affectueusement le « gârs des sports » collabore aussi à diverses publications à titre de pigiste. On peut le lire entre autres dans Vélo Mag, Espaces, et L’actualité.

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