Même si ce pays, le plus pauvre de l’Asie, est appelé officiellement Myanmar, ce nom n’a jamais été accepté par l'entièreté de la communauté internationale du fait de l’illégitimité de son pouvoir politique. En effet, depuis son indépendance de la Grande-Bretagne en 1948, la Birmanie n’a finalement connu que des régimes militaires. Les dernières élections, remportées en 1990 par la Force Démocratique Nouvelle (NDF), se sont soldées par la mise en résidence surveillée de son chef : la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi qui n’a pas connu de liberté depuis 14 ans. Elle n’a par ailleurs pas eu le droit de se présenter au scrutin de dimanche, servant présentement une sentence et étant de surcroît mariée à un Britannique. Le «hasard» faisant bien les choses, elle devrait être libérée une semaine après les élections, soit le 15 novembre.
La liste des irrégularités de ce scrutin est longue : absence de choix réel, muselage pur et simple de l’opposition, parti au pouvoir accusé de «triche» électorale une semaine avant la tenue du scrutin, etc. La nouvelle constitution, qui a suivi les soulèvements populaires de la révolution safran en 2007, réservait le quart des places au parti au pouvoir (le Parti de la Solidarité et du Développement de l’Union, USDP). Ainsi, sur les 440 sièges du parlement, seuls 330 sont disponibles, ce qui permettrait à l’USDP, même en cas d’élections transparentes, de conserver un droit de veto sur tout changement constitutionnel. Alors que les analystes et médias s’accordent à donner la victoire au parti du généralissime Than Shwe, la situation a été résumée de manière claire par Benjamin Zawacki, d’Amnistie Internationale: «À moyen et long terme, toute évolution du statu quo doit avoir un aspect positif, ne serait-ce que parce qu’il est difficile d’imaginer, au moins du point de vue des droits de l’Homme, comment ça pourrait être pire.»
Dans ces conditions, pourquoi les états voisins ne font-ils rien? Par ses richesses naturelles, la Birmanie possède un énorme argument économique régional. Se positionnant en 22e position sur le plan de l’exportation gazière mondiale, elle fait aussi partie de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). Les pays voisins sont donc liés dans leurs relations par le principe de non ingérence dans les politiques internes des états membres de l’ASEAN. La souveraineté des états, c’est-à-dire la pleine et exclusive compétence des états à l’intérieur de leurs frontières, explique leur inaction relative. Ce qui n’a toutefois pas empêché les représentants de l’ASEAN de presser le ministre des affaires étrangères birman d’organiser des élections libres, justes et qui incluraient tout le monde. Cette annonce de position est cependant bien loin de toute intervention des états voisins, la Chine renouvelant sans cesse son soutien au régime birman.
Il n’y a donc rien de reluisant dans la situation de la Birmanie. Elle demandera encore des années de travail pour améliorer un tant soit peu ses relations internationales et sa situation intérieure. La junte militaire, bornée dans sa gestion du pays, n’est pas prête à remettre le pouvoir aux mains des citoyens, premiers concernés par l’exercice politique. Ce scrutin, pouvant tout juste être qualifié de «pratique à la démocratie» n’a pas pu légitimer réellement l’USDP, le pays s’étant isolé de toute observation étrangère qui aurait permi de régulariser ces élections. Il ne restera qu’à souhaiter que les milices indépendantes (United Wa State Army, Kachin Independence Organisation et New Mon State Party) ne reprennent pas les combats contre l’armée: les citoyens étant, en fin de compte, les principales victimes.