Plus de 10 assemblées générales de grève s’apprêtent à se tenir dans les prochains jours sur le campus. Des centaines d’étudiants vont devoir se prononcer sur d’éventuelles levées de cours pour les journées du 23 mars et du 2 avril. Le mot d’ordre : contrer l’austérité.
Tous les représentants d’associations interrogés sont unanimes : la tenue de ces assemblées générales (AGs) de grève, et les potentielles levées de cours qui en découleraient, constituent une réponse aux compressions imposées par le gouvernement Couillard, notamment dans le domaine de l’éducation.
Pour Emmanuel Guay, coordonnateur général de l’Association des étudiants en sciences sociales (AÉSS), cette AG s’inscrit dans un contexte de mobilisation : « L’AÉSS a pris position contre l’austérité et pour une escalade des moyens de pression pour une campagne de mobilisation. C’est dans l’esprit de ce mandat-là qu’a été proposée cette AG de grève. » Emmanuel rappelle toutefois que « cela va être à l’AG de se positionner à savoir si les étudiants veulent une levée de cours, et si oui, à quelle date », tout en précisant que la question de la reconductibilité ne se présente pas pour l’instant.
Du côté de l’Association des étudiants en physique de l’Université Laval (ADÉPUL), « la tenue de l’AG de grève est passée à l’unanimité dans l’AG précédente », mentionne Gabriel Perron, président de l’ADÉPUL. « On a une position contre l’austérité depuis novembre. À partir de là, on s’est dit qu’on n’allait pas juste publier des événements de manifestation sur notre groupe Facebook, on va essayer de faire un peu plus », poursuit-il.
La tenue de ces prochaines AGs de grève enthousiasme d’ailleurs Gabriel : « Personnellement, je trouve cela encourageant qu’il y ait autant d’associations qui tiennent des AGs de grève sur le campus. Au début du mouvement, c’est sûr qu’il y avait beaucoup de marasme, les gens ne croyaient pas que cela allait être possible de recréer quelque chose, surtout après 2012. »
Des compressions sensibles
Selon les représentants d’associations interrogés, l’effet des compressions infligées à l’Université Laval commence à se sentir dans tous les programmes. « L’offre de cours est diminuée, ce qui nous préoccupe beaucoup », indique le coordonnateur général de l’AESS. L’association facultaire va tenter de négocier, pour les 9 départements qu’elle représente, afin que l’offre de cours soit exemptée, « ce qui n’est pas le cas pour l’instant ».
Michelle Brochu Gagnon, représentante aux affaires pédagogiques de l’Association des étudiants en histoire de l’art (AÉHA), affirme quant à elle que « dans notre programme, toutes les charges de cours sont abolies pour l’année à venir, puis pour l’année 2016-2017. »
Pour les cycles supérieurs de philosophie, la perspective diffère quelque peu. « Il y a une grande partie de nos membres qui sont auxiliaires d’enseignement et de recherche. Les mesures d’austérité du gouvernement ont une grosse influence sur les négociations qui sont en cours avec le syndicat des auxiliaires. Nos membres sont touchés directement par les mesures d’austérité », déclare Anne-Sophie Alain, présidente de l’ACEP.
Celle-ci ajoute que « le doyen a revu le plan de soutien aux étudiants. On parle de bourses d’admission ou des bourses lors du dépôt du mémoire, elles ont réduit significativement. Ça a été diminué drastiquement. » En somme, « il y a donc beaucoup moins d’argent dans la poche des étudiants en ce moment à cause notamment des mesures d’austérité. »
Vers plus de mobilisation
Un des principaux enjeux soulignés par les intervenants reste la mobilisation. Sans cela, un réel mouvement social ne peut prendre de l’ampleur. L’Association générale des étudiantes et étudiants en théâtre (AGÉÉTUL), seule association du campus qui a déjà un mandat de grève pour le 23 mars et le 2 avril, a pour objectif d’entreprendre le plus d’actions possible. Shayne Michael Thériault, président de l’AGÉÉTUL, mentionne d’ailleurs qu’un comité de mobilisation a été créé par l’association de théâtre : « On s’est dit : au lien d’attendre que les autres associations fassent une action, il faut la commencer. […] On a par exemple fait une manifestation, plus artistique, avec des marionnettes géantes, sur le campus il y a quelques semaines. On souhaite que d’autres gens se joignent à nous. Il faut commencer comme cela. »
Pour Emmanuel Guay, le problème vient du fait que « c’est une campagne qui va très vite » : « On a commencé à parler au national d’une potentielle campagne de mobilisation vers une grève à l’automne 2014 pour le printemps 2015, ce qui est du jamais vu. 2012 était planifié plus d’un an à l’avance. Les gens commençaient à mobiliser contre la hausse des frais de scolarité bien avant qu’on entre en grève en janvier 2012. »
Michelle Brochu Gagnon le concède également : « Les gens vont être plus durs à aller chercher, à la suite de 2012. »
L’austérité : un enjeu flou, mais rassembleur
Selon Emmanuel Guay, qui parle alors en termes personnels, il s’agit cette année d’une grève dont l’objet principal est somme toute problématique : « La grève de 2012, c’était assez simple : on voulait faire annuler la hausse des frais de scolarité. L’objectif était clair et délimitable dans le temps. » À l’inverse, contrer l’austérité reste, selon lui, un objectif plus difficile à cerner, même si son avantage reste qu’il mobilise beaucoup de monde. Anne-Sophie Alain partage cet avis : « Les compressions on les voit, mais c’est sûr que c’est moins évident qu’une facture qui augmente de 115 %. »
La différente entre la grève étudiante de 2012 et le possible mouvement de ce printemps 2015 demeure le fait qu’il s’agit cette année d’un enjeu syndical et étudiant. « Ça touche toutes les parties de la société, donc ça pourrait prendre de façon plus répandue qu’en 2012. En 2012, les étudiants étaient les seules victimes, ou peu s’en faut. Alors que maintenant, même les policiers et les pompiers, qui étaient plutôt contre les étudiants à l’époque, là ça se pourrait qu’ils se rallient au mouvement », commente la présidente de l’ACEP.
Pour Gabriel Perron, il faut donner des exemples concrets pour interpeller les étudiants par rapport à ce concept flou que peut être l’austérité : « On peut le voir par les nombreuses mesures en santé, en éducation notamment. Par exemple, dans le Département de physique uniquement, il y a eu près de 200 000 $ de coupes. Il y a de quoi sensibiliser les gens dans notre programme par rapport à cela. C’est peut-être des stages ou un poste de maîtrise qu’ils ne pourront pas avoir à cause de ces coupes-là. »