Association nationale : Le bateau prend l’eau

Avant même d’avoir quitté le port, le gros bateau que constitue la création de la nouvelle association nationale tangue. Réunies à Montréal les 18 et 19 avril derniers, les 18 associations étudiantes participant à mettre sur pied ce projet ne semblaient pas toutes ramer dans le même sens. 4 d’entre elles ont d’ailleurs quitté la table des négociations dans un climat assez houleux.

Après une journée de discussions, l’association étudiante de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM (ADEESE), et les associations étudiantes de Rimouski (AGECAR), Trois-Rivières (AGE-UQTR) et Chicoutimi (MAGE-UQAC) ont quitté le navire. Par voie de communiqué, elles expliquent les raisons pour lesquelles elles ne participeront plus à la création de cette nouvelle association nationale. Entre autres, selon elles, « la journée de travail s’est déroulée dans des conditions défavorables et dans un manque de respect flagrant ».

Contacté quelques jours après la tenue de la rencontre, Jean-René Leblanc, vice-président sociopolitique de l’AGE-UQTR, semble quelque peu nuancer les propos du communiqué. « Il y a eu une hausse de ton à un moment donné. Mais cela ne veut pas dire que les associations étaient mal attentionnées. Je comprends que certains débats puissent amener des frustrations. […] Le climat n’était peut-être pas adéquat pour avoir des négociations, parce que justement on était tous campés sur nos positions. On a préféré se retirer pour ne pas empirer ces dissensions-là par la suite », commente-t-il.

Thierry Bouchard-Vincent, président de la CADEUL, nie quant à lui un quelconque manque de respect : « Le ton de la fin de semaine n’était pas irrespectueux. Les gens étaient ouverts à se parler, reste que les gens n’étaient pas d’accord ».

Une asso = un vote

Parmi les dissensions, celle mise de l’avant par ces quatre associations est la possible remise en question du principe « une association = un vote ». Ce mode de procédure, cher aux instances de la Table des régions, veut que chaque association dispose du même poids lors des votes, quel que soit le nombre de membres qu’elle représente ou sa contribution financière.

« La discussion avait été effleurée quand on avait eu une réunion à Québec. Déjà, on voyait des divergences. On a juste effleuré ce débat à Montréal, mais c’était rendu évident pour nous que ce ne serait pas quelque chose qui aurait primé », avance le représentant de l’AGE-UQTR.

Pour Julie Durand, vice-présidente externe de l’Association étudiante de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM (AÉESG), les décisions sur les modalités de vote n’étaient pas à l’ordre du jour cette fin de semaine : « Là où il y a eu le clash, je crois, c’est que les associations étudiantes pensaient que dès cette fin de semaine là on allait établir toutes les modalités de vote de la future association nationale, ce qui n’était pas le cas du tout. Le but était de se définir un cadre de travail. Et pour cela, on a établi une asso = un vote pour rester le plus équitable possible. » Ce que corrobore Thierry Bouchard-Vincent : « On ne parlait pas encore de modes de vote, d’instances, de structures décisionnelles, etc. On parlait d’une structure de transition. »

Toutefois, la CADEUL ne semble pas vouloir préconiser ce mode de fonctionnement. « À la CADEUL, quand on avait fait nos ateliers à l’interne, il y avait eu plusieurs suggestions. Mais ce qui ressortait surtout c’était le critère de la double majorité pour aller chercher de larges consensus et pour représenter à la fois les spécificités de chaque association, mais aussi la proportion du nombre de membres individuels et la contribution financière », affirme Thierry Bouchard-Vincent.

Ce processus ne risque-t-il pas de happer les plus petites associations ? « C’est une grande préoccupation, concède le président de la CADEUL. À la FEUQ, ils l’ont connu récemment. À cause du membership, il y avait des grosses associations qui pouvaient imposer beaucoup de choses et c’était malsain. Tout le monde le dit. […] C’est quelque chose à éviter. Il faut aussi permettre à chaque petite association d’apporter quelque chose. »

Une FEUQ 2.0 ?

Certaines critiques adressées à cette nouvelle association nationale reprochent sa ressemblance avec la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ). Actuellement « sous respirateur artificiel », cette dernière risque très prochainement de disparaître après la désaffiliation de gros joueurs comme la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAÉCUM). À présent, la plupart des anciens membres de la FEUQ se retrouvent dans le bateau pour créer une nouvelle association nationale.

Selon les personnes interrogées, il n’est cependant pas question d’instituer une 2e FEUQ. « On essaie de créer quelque chose de différent, de ne pas reproduire ce qui est déjà en place. […] C’est le moment ou jamais d’établir des choses pour que le passé ne se reproduise pas. Tout est possible », déclare Julie Durand.

Jean-René Leblanc espère quant à lui que « les problématiques qu’il y avait à la FEUQ » ne seront pas répétées.

Celui-ci se prononce d’ailleurs sur la suite des projets des associations qui ont quitté la table de discussion à Montréal. Celles-ci, selon le VP sociopolitique de l’AGE-UQTR, voudraient se constituer en « 3e voix » entre la nouvelle association étudiante et l’ASSÉ. « Trois voix dans un mouvement étudiant, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose », affirme Jean-René Leblanc.

Du côté de la nouvelle association nationale, la main reste tendue. « On veut inclure tout le monde et représenter au mieux les étudiants du Québec. Les associations qui ont quitté, on espère de tout cœur qu’elles vont revenir. Les canaux de communications restent ouverts », assure la VP externe de l’AÉESG.

Thierry Bouchard-Vincent abonde dans le même sens : « De notre côté, on ne veut pas diviser les associations. Au contraire, on veut essayer de trouver un modèle d’association nationale qui correspond à tout le monde et où tout le monde se reconnaît. »

Auteur / autrice

  • Margaud Castadère-Ayçoberry

    Derrière ce nom imprononçable aux accents d’outre-Atlantique, cette bordelaise rêve d’ici et d’ailleurs. Récemment graduée en journalisme international, elle poursuit une maîtrise en relations internationales. Journaliste active et enjouée, elle est constamment en quête de nouveaux sujets. Friande d’actualités, elle est aussi à l’aise dans une salle de rédaction, dans un studio de radio, ou à une terrasse de café. Malgré sa petite taille, elle sait se faire entendre et avec elle… le monde bouge !

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