Il se nomme Gerard Palà, il est catalan et étudiant de troisième année en commerce et marketing international à la Escuela Superior de Comercio Internacional de Barcelone. Elle se nomme Gabrielle Denoncourt, elle est native de Québec et étudie en anthropologie sociale et culturelle à l’Université Laval. Tous deux se trouvaient dans la capitale de la Catalogne au moment de l’annonce de la victoire des indépendantistes le 27 septembre dernier.
Gabrielle était à Barcelone dans le cadre d’un voyage avec Réseau Québec-Monde, un OBNL de tourisme politique, pour assister au déroulement de l’élection présidentielle. Au moment du dépouillement des votes, elle participait au rassemblement de la coalition Junts Pel si, sur la place extérieure El Born.
« Les gens agitaient des drapeaux de la Catalogne indépendantiste, mais il s’y mélangeait aussi les drapeaux basque, québécois et corse, et de tous les endroits qui soutiennent l’indépendance dans leur propre région, raconte-elle. […] Lorsque 77% des résultats ont été dévoilés, Arthur Mas a fait son discours en déclarant à la fois en catalan, en anglais, en espagnol et en français : « Nous avons gagné ».
Gerard a, pour sa part, suivi les évènements à distance : « Je ne faisais pas partie de la foule à l’extérieur, mais j’étais heureux de savoir que la coalition avait gagné, explique-t-il. Par contre, les ultra-indépendantistes étaient euphoriques ! »
L’économie et l’identité
Le jeune étudiant ne se considère pas lui-même comme indépendantiste : « Je ne suis pas certain de ma position sur le sujet, mais je suis fatigué, en tant que citoyen, de toujours donner et de ne jamais rien recevoir », confie-t-il. « La Catalogne est la deuxième communauté à envoyer le plus d’argent à Madrid, mais, après la répartition, elle n’est que la 17e communauté à recevoir du financement. »
En dehors des raisons économiques, le jeune Catalan croit que c’est toute la question de la reconnaissance qui est en cause : « Nous sommes les premiers à supporter l’Espagne en situation de crise, mais les Espagnols ne cessent de se plaindre de la Catalogne. Ils nous détestent et nous méprisent. Pour toutes ces raisons, je crois que c’est une bonne idée que la Catalogne se sépare. »
Pour la suite des choses
Bien que plusieurs soient optimistes, l’indépendance du peuple catalan n’est pas encore assurée. Gabrielle raconte qu’après l’annonce de la victoire, « la place s’est vidée d’un coup […]. Les rues sont restées très calmes, et je n’ai pas vu les gens fêter ce soir-là. Tout le monde savait que les votes n’atteindraient pas la barre du 50 % plus 1. »
« Ils ont gagné, mais ils n’ont pas obtenu la majorité absolue des voix », comme le précise Gerard. « Cela veut dire que la Catalogne dira peut-être non au référendum dans 18 mois. Je ne sais pas du tout ce qui va se passer. »
Un exemple à suivre
Gabrielle voit dans les récents évènements une source d’inspiration pour le Québec : « Les revendications des Catalans ressemblent à celles des souverainistes québécois, mais, selon moi, les Catalans ont su faire circuler leur message plus efficacement. Ils ont ciblé plus directement les jeunes par l’utilisation de vidéos, des mouvements sociaux, etc. »
« Le Québec devrait s’inspirer de cela, poursuit-t-elle, car j’ai l’impression que le discours au Québec est toujours le même malgré l’âge, la région, la culture et le niveau de vie particulier de chaque individu. Les Catalans ont pris cela en compte et ils semblent beaucoup plus unis dans leur démarche. Ils ont su saisir aussi quand serait le meilleur moment pour faire l’indépendance et ont su être patients. […] La détermination, l’ouverture et le courage des Catalans sont une inspiration pour tous. »
« Je ne suis pas parfaitement au fait de la situation du Québec, admet Gerard, mais je trouve qu’elle ressemble beaucoup à celle de l’Écosse et de la Catalogne : c’est, dans tous les cas, la manifestation d’un peuple en quête de plus de reconnaissance. »