La semaine dernière, La Presse a devancé le gouvernement Couillard en annonçant la possibilité d’une nouvelle vague de compressions dans le réseau universitaire qui s’ajouterait aux 270 M $ déjà retranchés depuis 2014-2015. Pour combler le trou dans le budget, on propose de refiler la facture aux étudiants étrangers en laissant les universités hausser leurs frais de scolarité de 25 %.
Alors que l’éducation avait été frappée durement pendant la dernière année et qu’il faisait face à la pression infligée par le milieu de l’enseignement à l’automne, le premier ministre Philippe Couillard laissait croire à un réinvestissement en éducation dans le nouveau budget. Ce n’est vraisemblablement pas le cas.
La porte-parole du ministre de l’Éducation, Catherine Poulin, n’a ni confirmé ni infirmé ces informations, précisant qu’il s’agit d’un « scénario parmi d’autres » et que la décision n’a pas été prise. Une autre source au sein du ministère aurait toutefois convenu que ces mesures temporaires ne s’appliqueraient qu’aux nouveaux étudiants, ce qui rassurerait plusieurs étudiants actuels qui ne seraient pas touchés par la hausse.
La dérèglementation du régime des frais de scolarité des étudiants étrangers ferait effectivement suite au rapport de la commission Robillard de 2014, qui proposait de laisser au soin des universités le droit de fixer le montant des frais exigés aux étudiants étrangers, réalisant une économie potentielle de 51,3 millions de dollars pour l’État. Cette réforme a longtemps été poussée par l’Université McGill, qui y voyait la possibilité d’engendrer davantage de revenus. Toutefois, certains s’inquiètent de l’impact négatif d’une telle mesure sur la fréquentation d’universités francophones, d’après un deuxième article paru mercredi dans La Presse.
Impacts à l’Université Laval
À l’Université Laval, ce serait un total de 6500 étudiants étrangers qui écoperaient, alors que ceux-ci sont déjà contraints de payer entre 16 000 $ et 20 000 $ par an seulement en droits de scolarité. La facture pourrait donc augmenter de 3000 à 4000 $ pour cette catégorie d’étudiants.
Le recteur Denis Brière a déclaré à La Presse qu’il était réticent face à l’imposition de nouveaux coûts pour les étudiants étrangers de l’Université Laval. Il maintient cependant qu’il n’y avait toujours aucune annonce officielle à cet égard de la part du nouveau ministre Pierre Moreau.
Réactions du milieu universitaire
Des associations étudiantes universitaires et collégiales, syndicats et universités ont rapidement réagi à la nouvelle, les commentaires allant de l’opposition jusqu’à l’indignation.
La CADEUL affirme elle aussi être fermement opposée aux compressions et à toute hausse des droits exigés des étudiants étrangers. Dans le cas spécifique aux étudiants étrangers, le président de la CADEUL Thierry Bouchard-Vincent qualifie ces étudiants de « particulièrement vulnérables » à ce genre de politique. « Ça va avoir un impact sur leur intégration. Il y a déjà beaucoup de défis en arrivant ici : le pays, la langue, la température… Et là, on parle de venir rajouter jusqu’à 4000 $ sur leur facture », ajoute-t-il.
Comme elle l’a fait dans le passé, la CADEUL se dit prête à poursuivre sa sensibilisation sur le terrain et la mobilisation avec les acteurs du milieu dans l’éventualité de nouvelles compressions.
Étudiants anxieux
Maïmounatou Gondé, étudiante venue de Guinée, évoque le risque que plusieurs étudiants ont d’abandonner leur projet d’études. « Le gouvernement comprend mal la situation financière des étudiants étrangers. Pour eux, c’est une source additionnelle de revenus, mais pour nous, 25 %, ça se traduit en une charge énorme à assumer. »
Pour deux étudiants du Cameroun, une telle mesure viendrait heurter leur budget. « Avant de partir, tout est balancé de manière précise. On prépare le budget plusieurs mois à l’avance avec nos parents qui nous supportent dans cette aventure. Une telle hausse vient complètement déstabiliser nos projets », disent-ils. « On a fait notre choix d’université en fonction de chiffres qu’on croyait être fiables. Sinon, qui sait ? On irait aux États-Unis ? Ça change complètement le rapport qualité-prix de l’éducation qu’on nous dispense. » Ils conviennent que l’incertitude de la situation actuelle leur cause énormément de stress.
Deux jeunes hommes du Togo et du Gabon disent comprendre la situation conjoncturelle du Québec en regard à la baisse du dollar canadien. Toutefois, ils qualifient la mesure de disproportionnée. D’ailleurs, ils rappellent qu’une telle hausse serait presque impossible à assumer, étant donné que les visas étudiants permettent généralement un maximum de 20 heures de travail uniquement sur le campus.
Pour certains étudiants qui sont supportés par une bourse d’État, la hausse signifierait presque certainement un retour à la maison. Pour ceux qui reçoivent de l’aide de leur famille, c’est une charge énorme qui débalance un budget calculé méticuleusement en prévision d’un long séjour à l’étranger. Au final, ils insistent « qu’il faut nous laisser le temps de s’adapter ».
Vers une plus grande mobilisation
Quelques heures après l’annonce, une page Facebook était déjà créée. « Je soutiens les étudiants étrangers » a depuis été aimée et partagée par plus de 2 500 personnes. On y prévoit des actions populaires, des manifestations et la création d’une pétition dans les prochains jours.
Malgré l’ampleur de la situation, les étudiantes et étudiants concernés ne peuvent se désoler d’un manque de solidarité de la part de la communauté universitaire.
6500 étudiants étrangers de l’Université Laval seraient touchés par cette hausse.
3000 à 4000 $ est le montant de la hausse potentielle des frais de scolarité pour les étudiants étrangers.
16 000 $ à 20 000 $ est le coût actuel des frais de scolarité pour les étudiants étrangers.