Quand le dragon chinois sort ses griffes

Chinafrique

Les propos engagés tenus par le plus haut conseiller politique chinois, Jia Qinglin, lors du Sommet de l’Union Africaine en janvier dernier et le don ostensible d’un nouveau siège de 200 millions de dollars pour l’organisation accréditent l’émergence de la « Chinafrique ».

Sarah Lachance. Rédigé en collaboration avec Thierry Onga

Le bilan de 2011 sur les échanges commerciaux sino-africains – 160 milliards de dollars – confirme cette tendance. Mais au-delà des apparences neutres, que la diplomatie chinoise proclame sous le couvert de l’idéologie à la mode, la « non-ingérence », et de la coopération, un climat de méfiance s’installe…

Monsieur Thierry Onga, doctorant à l’Institut Québécois de Hautes Études Internationales de l’Université Laval, appelle à une vision réaliste : « L’Afrique a toujours été à vendre ». Ceux qu’on accuse d’« impérialisme » n’ont pas tardé à mettre la main sur son potentiel sous-exploité, et ce trop souvent avec le concours des régimes en place. Cependant, la crise financière des années 80 et le krach boursier de 2008 ont poussé les anciennes puissances colonisatrices, principaux débouchés de l’économie africaine, à diminuer leurs échanges avec le continent. Voilà où la Chine entre en jeu.

L’ « Empire du Milieu » profite donc de cette opportunité en or dans un contexte de croissance effrénée qui ne semble pas s’essouffler, et renouvelle ainsi le cycle de dépendance économique des États africains. Selon monsieur Onga, « une grande partie de cette avancée est basée sur la position de Pékin qualifiée de « non-ingérence » », à laquelle les leaders africains applaudissent. En réalité, nous constatons que ce qu’en retire l’Afrique, c’est le maintien du statu quo, soit un état de pauvreté persistant et conforté par l’écoulement, notamment, des produits contrefaits chinois vers un secteur informel accaparant l’économie africaine.

De plus, les dictatures ont trouvé un « nouveau parrain », qui siège au Conseil de sécurité de l’ONU et qui ne se gêne pas pour défier l’ambition occidentale. Nous avons pu le constater lors des votes sur les sanctions contre l’Érythrée en 2009 et sur l’intervention militaire en Libye, auxquels la Chine s’est abstenue, mais surtout le 4 février dernier lorsqu’elle a appliqué son droit de veto contre la résolution condamnant la répression en Syrie.

Malgré la ferveur médiatique dont bénéficie le BRICS-le groupe économique regroupant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud- le manque de transparence des dirigeants chinois en politique étrangère suscite de l’inquiétude du côté occidental, particulièrement chez la France et les États-Unis qui voient d’un mauvais œil cette entrée en jeu musclée de la Chine dans leur chasse gardée. Ce qu’on sait, en revanche, c’est que « depuis 2006, les banques chinoises fournissent plus de prêts aux pays africains que la Banque mondiale ». Manifestement, des pièces se déplacent sur l’échiquier international.

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