Après la rencontre opposant les Carabins à ses joueurs, Samir Ghrib, l’entraîneur-chef du Rouge et Or soccer maculin, n’avait pas de mots assez forts pour exprimer son dégoût. «Les valeurs qu’ils inculquent aux joueurs, c’est n’importe quoi, zéro, c’est nul !».
En effet, l’équipe de Montréal est venue littéralement «casser» les Lavallois. De coups de coude en crocs-en-jambes, en passant par des tacles vicieux, la rencontre a été émaillée d’innombrables mauvais gestes. Manque de classe et de fair-play flagrant de la part des Carabins, mais payant, puisqu’ils sont repartis avec les trois points de la victoire.
Doit-on mettre ces actes d’agression gratuits sur le compte de la rivalité Québec-Montréal ou est-ce un problème d’éducation, comme l’affirme M. Ghrib?
Tout le monde se souvient du geste de Patrick Roy lors de la célèbre rencontre Remparts-Saguenéens. Comment peut-on accepter qu’un éducateur puisse invectiver l’un des siens, et qui plus est son fils, pour qu’il aille se battre contre un joueur inoffensif ? Difficile d’abonder dans le sens des responsables du Temple de la renommée et du Canadien lorsqu’ils décident de l’honorer. Leur message est-il : peu importe la manière de gagner, l’important est le résultat?
Est-ce que la victoire est si importante qu’on en oublie les valeurs du sport, qui sont le respect de l’adversaire, du sport et du public? Être agressif est une chose non répréhensible si le respect vient avec. Mais être violent pour casser l’adversaire sans égard aux règles écrites et non écrites n’a pas sa place sur un terrain de sport.
Joseph Kessel, romancier, journaliste et scénariste d’origine russe, écrivait que «les qualités pour gagner sont plus importantes que les parties gagnées». À cette citation, on pourrait rajouter la classique « La fin justifie-t-elle les moyens?» Les éducateurs ne devraient-ils pas inculquer les dires de Kessel, plutôt que d’apprendre à leurs athlètes la culture de la victoire par tous les moyens? Lorsque l’on voit des entraîneurs s’insulter sur les bancs, il est normal que leurs joueurs les imitent, puisqu’ils sont leur exemple sportif. Par la suite, certains répètent ces gestes dans la vie quotidienne, faisant l’amalgame entre le terrain et la rue.
À la fin de la rencontre entre les Carabins et le Rouge et Or, Pat Raimondo, l’entraîneur-chef des Montréalais ne s’est pas gêné pour provoquer Samir Ghrib et l’ensemble du staff lavallois en leur donnant rendez-vous à l’UdM, et ce de manière menaçante. À la lumière d’un tel comportement, on comprend mieux pourquoi ses joueurs ont été si violents sur la pelouse du PEPS.
La rivalité Québec-Montréal est une des raisons de ce comportement, mais les Carabins sont tous aussi agressifs lors des matches face aux autres équipes. Contacté le lendemain de la rencontre, Samir Ghrib affirme que de tels agissements découlent du comportement du coach et qu’ils ne sont bénéfiques ni pour le sport, ni pour les joueurs de Raimondo, car ils sont pénalisés dans leur apprentissage.
Et que dire de l’exemple pour les spectateurs et surtout les jeunes amateurs qui sacralisent les sportifs. En 2006, le coup de tête de Zinédine Zidane à l’endroit de Materazzi a choqué la France entière. Zizou, son surnom, est un exemple pour des millions d’enfants dans le monde entier, et la crainte des éducateurs était que les jeunes joueurs pratiquent et banalisent les gestes violents parce que Zizou l’a fait.
De plus, les commanditaires justifient souvent leurs investissements pharaoniques dans le sport, en insistant sur l’exemple que représentent les sportifs pour notre jeunesse. Un argument pas tout le temps pertinent…
Les entraîneurs se doivent d’être des exemples pour leurs joueurs. Plus que des techniciens et des stratèges, ils sont des éducateurs, des exemples pour des jeunes à la recherche de valeurs et de points de repère.
L’éducation dans le milieu sportif sert aussi à former des citoyens respectueux des règles de fonctionnement de leur société, mais aussi de l’intégrité physique et mentale de la population qui les entoure. S’il y a eu des manquements durant cette période d’apprentissage, les athlètes ne deviendront pas eux-mêmes des modèles pour les amateurs et d’autres jeunes joueurs. Joseph Kessel l’avait bien compris lorsqu’il déclarait que «l’entraîneur médiocre parle, le bon explique, le super démontre et le meilleur inspire.»