En crise après une guerre civile qui a dégénéré en 2010 et fait jusqu’ici plus de 300 000 victimes, la Syrie tente maintenant de se tourner vers l’avenir en reprenant la ville d’Alep aux mains des rebelles. Des pourparlers ont eu lieu la semaine dernière, à Astana, entre les principaux mouvements rebelles modérés et le gouvernement de Bachar Al-Assad.
Selon les dires du professeur au département de science politique de l’Université Laval, Francesco Cavatorta, « la guerre civile [syrienne] avec l’aide russe a tourné en faveur du régime de Bachar Al-Assad. Ils [les Turques] semblent avoir retrouvé depuis quelque temps leurs intérêts dans les succès d’Al-Assad. »
Après avoir repris la capitale économique des mains des rebelles, les syriens ont maintenant un appui de taille : la Turquie qui s’immisce dans le conflit. Quant à leur principale menace extrémiste, Bachar Al-Assad a préféré mettre ses énergies ailleurs, laissant le champ libre aux américains venus leur prêter main forte. Il retrouve peu à peu la popularité auprès des siens, qui y voient en lui une solution viable et sécuritaire pour gérer le pays.
Message fort de la Russie et la Turquie
Selon M. Cavatorta, la Conférence d’Astana est « un moyen assez clair pour les Russes et les turques de souligner à la communauté internationale que le conflit est pour eux en train de se résoudre avec la victoire d’Assad. »
La reprise d’Alep a, en ce sens, eu un effet symbolique, alors que le président Poutine a été le point tournant dans cette victoire morale pour le gouvernement syrien. Il renforce sa présence au Moyen-Orient avec ses plus proches alliés syriens et iraniens.
Le régime syrien contrôle les principales villes du pays, un leitmotiv important face à la pression amoindrie des rebelles modérés du pays. « Bachar Al-Assad s’estime donc gagnant sur le court et long terme et il le sera encore plus si les Américains reprennent la ville iraquienne de Mossoul près de la frontière », relate le professeur.
Assad légitime ou tyrannique?
« Il est plus légitime que l’occident le lui concède, c’est-à-dire qu’il ne s’est pas écroulé comme l’occident le pensait. Il est légitime dans la mesure où il a gardé la mainmise sur une partie de sa population et de son armée », pense l’expert en science politique.
Toutefois, selon lui, il est primordial de rappeler qu’il est le grand responsable de la guerre civile. « La réalité qui reste est que les démonstrations pacifiques qu’il y a eues en Syrie au début 2011 ont été réprimées avec une violence innée par les forces de sécurité de l’État, ce qui a donné l’impression que la guerre civile était alors inévitable, quand tu commences à tirer sur des manifestants », raporte-t-il.
Francesco Cavatorta indique que bien que très contestable au point de vue éthique, la victoire d’Assad dans le dossier d’Alep est peut-être une solution à court terme positive, dans la mesure où la sécurité pourrait retrouver sa sérénité emblématique. Cette percée, bien que moralisatrice selon le professeur, ne reste encore qu’une bataille dans cette interminable lutte du pouvoir.