Le débat très corsé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le 3 mai, aura contribué, sur certains dossiers du moins, à mettre en lumière le manque d’expertise de la candidate d’extrême-droite. Celle-ci semble effectivement avoir déplu à certains de ses appuis militants les plus forts sur les réseaux sociaux.
Pour cause, après le débat, Emmanuel Macron a gagné en influence et est passé de 59 à 62 % des voix. Le Pen a pour sa part glissé jusqu’aux 38 %, sous la barre des 40 qu’elle avait jusqu’ici réussi à entretenir.
« Ce sont les ricanements systématiques de MLP qui m’ont le plus gêné », écrit Hubert Caballero sur son compte Twitter, qui se décrit comme un patriote alermondialiste pour une forte identité franco-euro et pour le recouvrement de notre souveraineté nationale et culturelle. L’exercice manquait selon lui de solennité, venant d’une future présidente.
Chroniqueur et activiste pour le Forum des partisans de la leader du Front national, Johan Weylland s’est pour sa part dit « très déçu » des performances de sa leader pendant le débat, qui réunissait pas moins de 16 millions de Français au même moment, rappelons-le, selon les dernières statistiques nationales.
Certains comparent même la prestation de Le Pen à celle de Ségolène Royal, première femme à être passé au second tour en 2007, qui avait perdu contre Nicolas Sarkozy à l’époque. Même constat, selon certains : « trop agressive, trop sur l’attaque, pas assez de programme, d’idées et de sérénité, de stature », lance M. Weylland.
La jeunesse se prononce
L’ancien président du Front national de la Jeunesse, Julien Rochedy, qui a quitté son poste en octobre 2014, a pour sa part tempéré hier sur la toile : « Mon avis objectif : Le Pen a bien commencé, a tapé fort et juste, sauf que Macron a pris le dessus, et elle s’est laissée aller », lance-t-il.
Or, ses nuances ont amené bon nombre de positions et réactions plus fermes, au sein même du cercle militant du FN. Une autre militante, Audrey B, avance sur les réseaux sociaux que, « objectivement, pour moi, elle n’a été bonne que sur le terrorisme, le a été reste un massacre. Quelle déception! »
Concernant le terrorisme, le dossier des fameuses fiches S, établies par des services de renseignement, les propos de Le Pen semblent aussi avoir choqué. « Elle ne sait pas ce qu’est une fiche S visiblement, c’était mal parti déjà », explique un internaute, Aurelien Lafarge. Sur la justice, selon lui, « c’est indigne venant de quelqu’un qui a eu l’examen du barreau ». Marine Le Pen est effectivement avocate de formation.
Plus globalement, la candidate d’extrême-droite n’aurait donc pas su incarner la gravité de la fonction de présidente dans la deuxième partie du débat. Ses attaques confuses et son comportement très agité physiquement ne l’auraient pas bien servi, au final.
Manque de chair
Après coup, on réalise que la différence de frappe entre les deux candidats lors de ce débat tient au fait que Macron, qui, remarquons, n’a pas non plus été 100 % respectueux de la logique implacable des faits, a tout de même su tenir la route et proposer des orientations concrètes à ses concitoyens.
Devant lui, par contre, on a retrouvé une Le Pen désespérée, qui à de nombreuses reprises, a lancé des approximations globales et des contre-vérités manipulatrices, accompagnées d’attaques destinées à déstabiliser le centriste, qui n’a pas flanché.
Un exemple ? L’Union Européenne, dont l’adhésion et l’implication coûte « 9 milliards d’euros par an » à la France selon elle, ce qui en soi est exagéré.
Le quotidien Le Monde soulignait d’ailleurs, jeudi 4 mai, que le coût d’adhésion à l’Union ne demande que 6,1 millions $ à la France par année, en moyenne, en ajoutant les droits de douane et autres cotisations traditionnelles à toute coalition.
Plus loin encore, d’autres affirmations de la candidate n’étaient pas entièrement fausses, mais trompeuses pour le peuple français. L’affirmation selon laquelle Emmanuel Macron « était ministre de l’économie » au moment où la SFR (Société française du radiotéléphone) a été vendue à Numericable est sans fondements.
C’est plutôt Arnaud Montebourg qui, à l’époque, occupait cette fonction. Le centriste n’était alors que conseiller à l’Élysée. Le « faux constat » que fait ici Marine Le Pen provient probablement du fait que l’opération s’est conclue en novembre 2014, trois mois après l’arrivée à Bercy de Macron. Or, celui-ci n’est pas l’homme derrière la mégatransaction, et il n’est pas non plus le candidat « ultralibéraliste » qu’elle le prétend être.
Au lendemain du débat
Dès le lendemain du débat, jeudi, Marine Le Pen était sur l’émission de Jean-Jacques Bourdin, L’heure du choix sur BFMTV. D’emblée, l’animateur a demandé à la leader du Front national d’expliquer pourquoi elle avait autant critiqué sans pour autant préciser ses orientations pour la France.
« J’ai bien expliqué ce que je voulais pour les Français, mon projet est clair et je l’expose depuis de nombreuses années », a-t-elle répondu d’un ton sec. Elle dit avoir plutôt tenté de lever le voile sur ce qu’est l’homme politique, sur les intérêts et la vision qu’il défend pour la France. Le centriste est en fait devenu le chouchou et bon premier du système et des médias, selon elle, ce qui n’a pas permis aux Français d’avoir une vision claire de sa personnalité et de son parcours politique.
« Quand vous vous faites insulter toute une soirée, vous n’en ressortez pas grandi », a rétorqué Emmanuel Macron sur les ondes de France Inter, en matinée jeudi. Il faut faire attention, selon lui, dans la mesure où les mots ont un pouvoir. Les gens n’iront pas vérifier les informations en entendant des insultes et des réprimandes, autrement dit.
Le candidat d’En Marche ! prétend qu’il n’a pas du tout lancé ces hostilités, mais qu’au contraire, il a « essayé de ramener le débat vers des sujets de fond ». Il a littéralement fustigé le projet de Marine Le Pen sur la justice et le terrorisme, avant d’inviter les électeurs de Filion à se positionner pour son projet économique, plus logique que celui de Le Pen, sur tous les points de vue, selon lui.