Le lent réveil de l’ours russe

Le conflit n’a pas débuté en août 2008, mais bien avant, a d’abord rappelé la professeure lors d’une conférence donnée la semaine dernière, pendant laquelle elle a eu l’occasion de démystifier cet affrontement et de confronter les analyses entendues dans les médias. La Géorgie regroupe plusieurs nationalités différentes, ce qui a causé de nombreux problèmes dans le passé. Plus précisément, l’Ossétie du Sud a déclaré unilatéralement son indépendance en 1990, ce qui a mené à une guerre avec la Géorgie jusqu’en 1992. Depuis ce temps, ces deux nations sont en processus de médiation sur l’avenir de la région. Le conflit est dit «gelé».

La situation s’est vite envenimée avec l’arrivée au pouvoir de Mikheil Saakachvili, en 2004, qui a exprimé son désir de rétablir la souveraineté absolue sur l’ensemble du territoire géorgien. Il est à noter que deux autres régions de la Géorgie, l’Abkhazie et l’Adjarie, réclament elles aussi leur indépendance. Depuis ces déclarations de la part de Saakachvili, les affrontements armés entre Ossètes et Géorgiens se sont multipliés.
Les relations entre la Russie et la Géorgie sont aussi tendues depuis l’effondrement de l’empire soviétique. Plusieurs crises ont nui à la bonne entente des deux parties. Par exemple, en septembre 2006, quatre officiers russes en territoire géorgien ont été accusés d’espionnage à la suite des négociations d’un plan de coopération entre l’OTAN et la Géorgie. Moscou a répondu à ces arrestations par un blocus économique. Un autre point à prendre en compte, selon Mme Campana, est justement que «la Russie veut empêcher l’adhésion de la Géorgie à l’OTAN».
En février dernier, la Géorgie s’est retirée du processus de médiation entre l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, la Russie et la Géorgie. Elle réagissait ainsi à un plan de restructuration proposé par Moscou, qui visait à créer une fédération géorgienne donnant une grande latitude aux États fédérés. C’est dans ce contexte que la guerre du 7 août a éclaté.

L’ours russe
Après cette guerre éclair de cinq jours, plusieurs analystes ont parlé de résurgence d’un projet impérialiste russe. Selon Mme Campana, nous manquons grandement de recul pour en venir à une telle conclusion.

Il faut d’abord regarder la situation politique et économique dans laquelle la Russie évolue depuis la fin de la guerre froide. Selon la professeure Campana, «la politique étrangère russe est basée sur les réactions et non sur le long terme». Dans cette perspective, il serait difficile de considérer que la Russie a un plan impérialiste, vu l’absence de stabilité stratégique.

De plus, le retard technologique, la fragilité économique ainsi que l’instabilité du pouvoir interne de la Russie enlèvent de la crédibilité à la thèse d’un tel projet impérialiste. Même si le désir est peut-être présent chez une certaine partie de la classe dirigeante, le manque de moyens ainsi que le nouveau contexte d’interdépendance économique mondiale font douter d’un retour à un monde bipolaire. Selon Mme Campana, «on a tendance à analyser la situation avec nos anciens schémas [d’analyse]», ce qui fausserait nos interprétations des gestes des parties impliquées dans ce conflit.

Selon la titulaire de la Chaire de recherche sur les conflits identitaires et le terrorisme, l’ours russe s’est réveillé en 2004, mais tranquillement. Il n’a pas vraiment de projet à long terme. 

Les conséquences
La Géorgie garde des séquelles de cette guerre. Un impact majeur de ces confrontations est la destruction de plusieurs infrastructures économiques et militaires géorgiennes, ce qui affaiblit grandement l’économie du pays. De plus, le conflit a fait ressortir la réelle situation interne quant aux groupes nationalistes, ce qui «pourrait repousser son adhésion à l’OTAN», selon Mme Campana, dont l’opinion se révèle ainsi contraire à celle de certains médias.
 

Auteur / autrice

Consulter le magazine