L’Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AELIÉS) a présenté jeudi midi les résultats quantitatifs de son sondage sur l’encadrement des étudiant(e)s aux cycles supérieurs. Parmi les données recueillies, l’une d’entre elles retient particulièrement l’attention : « Environ 74% des répondants disent avoir vécu des situations d’inconfort ou de vulnérabilité avec leur direction de recherche », explique le président de l’association, Pierre Parent-Sirois.
En collaboration avec Érik Chouinard.
Parmi les étudiants sondés, 58,1% affirment que ce genre de situations se produit plus d’une fois. 16,1% des répondants allèguent que les cas se produisent même plus régulièrement. Les 25,8% restants ont répondu, à l’inverse, n’avoir jamais ressenti ou vécu de telles situations.
Comme il n’est pas encore complet, le sondage n’allait pas très loin dans les détails pour l’instant, se limitant à quelques aspects sur le sujet seulement. Dans certains cas, les répondants pouvaient toutefois partiellement décrire leur expérience.
« Si les personnes nous disaient que, souvent ou très souvent, il leur arrivait de se sentir inconfortables ou vulnérables dans leur relation d’encadrement, elles étaient invitées à expliquer pourquoi immédiatement, dans la question suivante », précise le président.
Les réponses reçues étaient variables et allaient de l’intimidation au vol d’idée en passant par les menaces, le sentiment de vulnérabilité (autant académique que personnelle) et les insultes.
Des nuances
Vendredi en début d’après midi, à 14h, l’AELIÉS a convoqué un point de presse dans ses locaux de la Maison Marie-Sirois sur le campus, afin d’établir certaines précisions sur les statistiques publiées jeudi midi. Celles-ci ont causé tout un émoi sur les réseaux sociaux dans les 24 heures suivant la publication. Sur place, ce même président, Pierre Parent Sirois, cette fois accompagné du vice-recteur exécutif, Robert Beauregard.
« Pour nous, le rapport de l’enquête préliminaire ne dit pas que la relation entre étudiants et directeurs(trices) de recherche est dysfonctonnelle de manière générale. La question est très large en fait. Le malaise ou l’inconfort, ça peut comprendre beaucoup de choses. Il faut d’abord voir ce qui est à l’intérieur de ça. On peut penser au pire mais aussi à des choses plus simples, plus banales. » -Robert Beauregard, vice-recteur exécutif
Autrement dit, même s’il est toujours possible de faire mieux en prévention et en sensibilisation, le vice-recteur appelle à la prudence. « C’est le rapport final, qui est dû en décembre, qui va nous donner plus de matière à réflexion. Globalement, la relation n’est pas malade, on n’est pas dans des cas d’agressions dans 75 % des cas, c’est totalement faux de penser ça. »
Lui-même étudiant aux cycles supérieurs, à la maîtrise en relations industrielles, Pierre Parent Sirois abonde dans le même sens. « Bien qu’on ait une masse importante de répondants, on ne peut pas généraliser ces résultats-là à l’ensemble des étudiants aux cycles supérieurs de l’Université Laval, ça serait inexact, prévient-il. On veut d’abord analyser les données qualitatives derrière tout ça avant de pouvoir tirer des conclusions finales sur l’état de l’encadrement. On pourra ensuite dresser un portrait plus réaliste et nuancé. »
Une priorité, tout de même
Une chose persiste : malgré le fait que ces résultats demeurent préliminaires, ils sont bel et bien « inquiétants », conviennent Pierre Parent Sirois et Robert Beauregard. Ce dernier estime en ce sens qu’il faut se préoccuper et suivre chaque situation abusive dans une relation d’encadrement, autant avec les professeurs, les étudiants que le personnel de direction. Depuis 2008, l’institution d’enseignement possède d’ailleurs une Politique d’encadrement des étudiants à la maîtrise avec mémoire et au doctorat.
70 % des étudiants aux cycles supérieurs prétendent justement, dans le sondage de l’AELIÉS, que la relation d’encadrement est « grandement améliorée » lorsque les cadres institutionnels sont bien appliqués. Un chiffre qui conforte le vice-recteur dans sa volonté de surveiller d’encore plus près les interactions.
« On ne veut pas minimiser l’ampleur des résultats préliminaires qu’on présente, autrement dit, mais on veut demeurer prudents d’abord, affirme le président de l’AELIÉS. On invite la communauté à attendre les conclusions. C’est préoccupant, et c’est justement pourquoi il faut donner un sens à nos données maintenant. »
La rectrice n’est « pas surprise »
Samedi, lors de la Journée portes ouvertes et de l’annonce de l’ouverture officielle de l‘espace Futurs étudiants UL, la rectrice de l’Université Laval, Sophie D’Amours, est revenue sur la situation mise en lumière par l’AELIÉS.
« Un doctorat, ce n’est pas une activité banale, lance-t-elle. C’est un processus qui apporte son lot de stress, tant chez l’étudiant que chez l’encadreur. Ce que je peux vous dire, c’est qu’à l’Université Laval, les professeurs sont dédiés et travaillent fort. »
Elle ajoute que ce son institution veut, en collaboration avec les associations, « être au devant et continuellement se doter d’outils tant pour les étudiants que pour les professeurs qui vont améliorer cette relation d’encadrement ».
À savoir si les statistiques qui ont fait le tour de la toile l’impressionnent, celle qui dirigeait une équipe de recherche l’an dernier, avant de devenir rectrice, répond que non.
« Ça ne m’étonne pas qu’un étudiant aux cycles supérieurs vive des difficultés, parce qu’on voit que le projet est difficile, parce que la situation qu’on a au Canada pour le financement des études supérieures, ce n’est pas un contexte où tu as un salaire. Tu es à la recherche de bourses, de travail étudiant, dans un contexte de précarité. Au cours du processus, il peut arriver beaucoup de stress de performance. » -Sophie D’Amours
Mme D’Amours est toutefois catégorique sur un point : le sondage de l’AELIÉS est essentiel sur un campus. « On a posé des questions différentes, ça nous permet de peut-être mieux comprendre sur quoi on peut travailler et on va le faire parce qu’on veut être en avant. On est très près de nos étudiants, on travaille avec eux », conclut-elle sur le sujet.
Sur la méthodologie
Le sondage s’est fait en ligne sur base volontaire durant le mois d’octobre. Il concerne seulement les étudiants des deuxième et troisième cycles impliqués dans des activités de recherches.
La vice-présidente aux études et à la recherche de l’AELIÉS, Ariane Keck, se dit pour sa part « satisfaite du niveau de participation » pour une association qui regroupe environ 11 000 membres. Au total, c’est 989 des répondants qui ont été retenus pour l’échantillon; 600 femmes, 387 hommes et 2 personnes ne se définissant selon aucun des deux genres.
Aux dires d’Ariane Keck et de son président, Pierre Parent Sirois, l’exercice visait d’abord à mettre en lumière les pratiques d’encadrement aux cycles supérieurs afin d’identifier des mesures et d’émettre des recommandations qui pourraient mener à des améliorations. Le but n’était pas de prendre les chiffres pour acquis, disent-ils à l’inverse.
« Nous prévoyons déposer le mémoire complet d’ici le temps des fêtes, d’ici le mois de décembre même », prévient le président, soulignant que plusieurs analyses en interprétation et en croisement des données demeurent encore inachevées.
Importance de l’encadrement à l’UL
Selon les données du sondage, c’est environ la moitié des répondants, soit 52%, qui ont une entente d’encadrement avec leur direction de recherche. La relation d’encadrement est largement vue comme étant bénéfique avec 80,5% des répondants qui ont cette perception.
Outre les situations d’inconfort et de vulnérabilité, c’est aussi la fréquence des rétroactions entre étudiants et directeurs de recherche qui pourrait être améliorée, selon l’association. Une faible proportion de répondants (23,8%) affirme recevoir de la rétroaction de leur direction de recherche hebdomadairement. La majorité (58,7%) reçoit un retour de sa direction de recherche de manière mensuelle.
« Ce résultat doit être nuancé par l’analyse plus poussée des questions ouvertes, mais l’AELIÉS voit négativement ce faible taux de rétroaction, puisqu’une communication fréquente avec la direction de recherche est généralement garante de travaux menés à terme », dit l’association par voie de communiqué.
Pierre Parent Sirois donne également un avant-goût du genre de corrélation qu’il est possible de faire en croisant certaines des composantes à l’étude. Il explique, par exemple, que le financement des étudiants semble faire augmenter le niveau d’exigence de la direction de recherche.