Durant les vacances de Noël, la température a su convaincre plusieurs Québécois de rester au chaud et d’éviter les activités extérieures. En fait, la vague de froid extrême vécue au Québec est qualifiée d’exceptionnelle et de rare. À ce sujet, Impact Campus s’est entretenu avec Dominique Paquin, spécialiste en analyse climatique.
Les températures exceptionnelles ressenties sur l’ensemble du Québec sont dues à une descente importante d’air froid provenant du vortex polaire, situé au-dessus de l’Arctique, explique Dominique Paquin, spécialiste chez Ouranos, depuis 2002.
Ouranos est un consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques, basé à Montréal, qui regroupe « un réseau de 450 chercheurs, experts, praticiens et décideurs issus de différentes disciplines et organisations », souligne l’organisme à but non lucratif.
Est-ce un phénomène d’exception ? À cette question, la diplômée de l’UQAM en Sciences de l’Atmosphère confirme que ce sont des vagues de température plutôt rares. « Dans les 150 dernières années, c’est arrivé à trois ou quatre reprises. Ça n’arrive pas souvent, donc à chaque fois on se pose des questions si c’est en lien ou non avec le réchauffement climatique », indique-t-elle.
Dominique Paquin explique que c’est un peu paradoxal de parler de réchauffement climatique lorsqu’on vit une période aussi froide. Pourtant, le lien semble bien réel. « Il y a certaines recherches qui disent qu’on pourrait avoir ce type d’événements là plus fréquemment », affirme l’experte.
L’une des principales raisons suppose qu’avec une région arctique de plus en plus chaude, le gradient de température est de moins en moins intense. En d’autres mots, le gradient désigne les variations de la température atmosphérique avec l’altitude et c’est ce qui permet de confiner l’air polaire en Arctique, explique Mme Paquin. Par contre, elle ajoute que ce type de phénomène est très difficile à étudier considérant sa rareté.
2017, une année difficile pour le climat ?
La spécialiste en simulations et analyses climatiques estime que l’année 2017 fût intense en matière de catastrophes naturelles, mais qu’il est important de distinguer ce qui est lié ou non au réchauffement de la planète.
Les feux de forêt, de plus en plus récurrents et dévastateurs en Amérique, en sont sans aucun doute un bon exemple. « C’est lié aux conditions météorologiques des dernières années », ajoute-t-elle. Par contre, certains événements comme les tremblements de terre au Mexique ou en Corée n’ont rien à voir avec les changements climatiques.
2017 a aussi été le théâtre d’importants ouragans. Dominique Paquin explique qu’il n’existe, pour l’instant, aucune certitude scientifique confirmant un lien entre le réchauffement climatique et ces phénomènes même si l’hypothèse semble se confirmer de plus en plus.
« Pour les ouragans, c’est plus difficile, car il y en a peu qui surviennent chaque année. Ça demande plus de temps et de recherches. Il y a donc moins de certitude à ce niveau-là. Toutefois, les probabilités disent que oui, mais ça dépend des régions dans le monde. On ne pense pas qu’il y en aura certainement plus, mais ils seront plus puissants », précise la spécialiste.
En finir avec le débat, place aux changements
La semaine dernière, l’Agence américaine de protection de l’environnement a annoncé la tenue d’un débat public opposant des « climatosceptiques » à des scientifiques favorables à la théorie du réchauffement climatique. Un recul qui, selon Dominique Paquin, donne une fausse impression au public.
« Le débat sur les changements climatiques, il n’y en a plus. Les faits sont tellement établis, il n’y a plus personne de sérieux qui conteste ça. Maintenant, les scientifiques se demandent : que devons-nous faire ? », explique la chercheuse de centre Ouranos. Selon elle, c’est maintenant aux politiciens de s’attaquer au réchauffement de la Terre, « mais pour que le politique embarque, il doit y avoir le soutien de la population », rappelle-t-elle.
Il faut une meilleure conscientisation de la population. L’experte en climat témoigne qu’il existe déjà d’importants impacts du réchauffement climatique au Québec, même si une majorité de la population n’en a pas conscience. « Dans le nord du Québec, il fait beaucoup plus chaud, le pergélisol fond, les routes de glace ne sont plus fiables, la faune change et la flore doit s’adapter. Donc tout cela est déjà très présent et on ne parle même pas de ce qui s’en vient. »
À ses yeux, une majorité de pays ne sont pas prêts à faire les importants changements qui s’imposent. « Ça risque d’arriver, mais le problème c’est que ça va prendre des décennies avant que cela survienne », admet Dominique Paquin. Par contre, elle envisage qu’il sera peut-être trop tard.