Malgré le congé des fêtes qui perdurait à l’Université, le salon Hydro-Québec était rempli mercredi soir passé. Même Isabelle Melançon, la ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, était au rendez-vous pour assister à la projection d’une version raccourcie du documentaire A Plastic Ocean et à la discussion avec les panellistes qui s’en est suivi. Un panel qui ne réunissait pas moins de sept intervenants de différents milieux.
La soirée était organisée conjointement par VisezEau et la Fondation David Suzuki. Michel Lucas est le fondateur de l’initiative VisezEau et il est aussi professeur au département de médecine sociale et préventive à la faculté de médecine de l’Université Laval. Réjoui par l’affluence, il y voit un signe des préoccupations présentes au sein de la population vis-à-vis la qualité de l’eau.
Dans son élan de fierté, M. Lucas ne peut s’empêcher de rappeler l’importance de cette ressource pour la vie terrestre. « L’eau c’est là où tout a commencé », déclare-t-il solennellement avant de laisser place à la projection.
Du macro au micro
« Où peut-on aller dans le monde et ne pas trouver de plastique? », pose le documentariste Craig Leeson. Il fait la démonstration à travers son film qu’il est très difficile de trouver un endroit où il n’y en a pas. Les déchets de plastique semblent se retrouver partout, même dans les grandes profondeurs océaniques.
Le documentaire montre d’ailleurs des images choquantes d’oiseaux marins morts dont le système digestif est rempli de plastique. Selon ces images, il n’y a pas de doute que ces plus « gros » morceaux causent des dommages. Toutefois les plus petits, parfois invisibles à l’œil nu, ne sont pas pour autant inoffensifs. D’après le documentaire, leur petite taille ferait d’eux des polluants beaucoup plus insidieux et répandus.
Exit l’idée d’une géante île de plastique flottant dans le milieu du pacifique, ce serait surtout un immense nuage de petits morceaux et fragments appelés microplastiques. « Ceux-ci sont comme des éponges qui absorbent les polluants organiques et les contaminants comme les pesticides », avertit l’une des panellistes Louise Hénault-Ethier, la chef des projets scientifiques de la Fondation David Suzuki.
Le professeur du Département de biologie de l’Université Laval, Ladd Erik Johnson, est au premier rang pour en observer les effets. Il centre justement beaucoup de ses recherches sur la vie microscopique qui peuple les océans. Selon lui, les microplastiques demeure toutefois un sujet de recherche assez récent. Il explique que plus d’études seront nécessaires pour mieux comprendre leurs effets sur les organismes marins, les écosystèmes et la santé humaine.
Le professeur de l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ESAD) de l’Université Laval, Manuel J. Rodriguez, abonde en ce sens. Celui qui se spécialise sur les enjeux ayant trait à l’eau potable croit que les microplastiques vont devenir un intérêt de recherche mondial. « On ne connait pas vraiment beaucoup de choses par rapport à la présence de ces microplastiques dans les sources d’eau douce et ceux-ci pourraient ne pas être traités par les technologies actuelles de purification de l’eau potable », avance-t-il.
Vaincre la tentation de la bouteille
Pour combattre le fléau environnemental présenté dans le documentaire, les panellistes s’entendent pour dire qu’il n’y a pas de solution magique. Il faudrait grandement réduire, voire même complètement arrêter, la consommation et la production de plastique jetable.
Comme le projet VisezEau a pour cible l’eau embouteillée, la bouteille de plastique et ses problématiques ont été au centre de plusieurs discussions. « Nous voulons normaliser la consommation de l’eau non embouteillée », affirme M. Lucas à propos de l’organisme.
C’est un flambeau qui est aussi porté par l’association Univert Laval avec sa campagne À Laval, buvons local!. « Il faut inciter l’Université à abandonner et interdire la vente de bouteille en plastique », lance Cynthia Legault, la coordonnatrice de l’association, aussi invitée à participer au panel.
« L’eau embouteillée présente une double problématique, à cause du plastique, mais aussi à cause de l’appropriation de la ressource par des entreprises privées », ajoute la panelliste Alice-Anne Simard, directrice de la Coalition Eau Secours.
L’urologue Stéphane Bolduc, aussi présent autour de la grande tablée, croit qu’il est possible de changer la mentalité de la population et de rendre la bouteille en plastique moins tentante. « Maintenant, je me sens coupable quand je n’ai pas mes sacs réutilisables avec moi », dit-il, prenant l’exemple de l’efficacité du combat qui est mené contre les sacs de plastique.
Mme Simard ne croit pas que le fardeau doit tomber uniquement sur les épaules des individus. Selon elle il faut aussi prendre conscience de la responsabilité des entreprises et des gouvernements. « Dans le documentaire, il est dit que tout commence par le changement individuel, mais je ne suis pas d’accord si la société ne donne pas de moyens et de solutions, par exemple, des fontaines d’eau dans des parcs », spécifie-t-elle.
Un mot de la ministre
À la surprise générale, la ministre Isabelle Melançon a pris la parole lors de la période de questions. « Aujourd’hui même, je suis allée visiter un dépotoir et j’ai vu tellement de plastiques », déclare-t-elle pour démontrer sa conscience par rapport à la problématique. Mme Melançon profite donc de l’occasion pour annoncer un plan de stratégie pour l’eau, sans donner plus de précision quant à sa nature.
Concernant l’enjeu du plastique, elle ne prend pas d’engagement concret. Elle promet tout de même de « mettre ses culottes ». « Je vais faire mon travail de législateur, mais soyons unis devant tout cela, parce que l’urgence c’est maintenant, pas dans dix ans », conclut-elle.
Il reste maintenant à voir comment ses paroles se concrétiseront avec la période électorale qui approche.