L’année 2017 restera peut-être gravée dans la mémoire collective comme étant l’année de la dénonciation des agressions et du harcèlement sexuel. Le mouvement #moiaussi/#metoo a permis à plusieurs femmes et quelques hommes de briser leur silence. « C’est un mouvement social de montrer que les femmes avaient vécu souvent collectivement des épisodes de violence sexuelle qui mettait en lumière de rapport de pouvoir », affirme la doctorante, Nathalie Bissonnette.
Nathalie Bissonnette espère que le mouvement #moiaussi mènera à un certain changement de mentalité. Elle demeure tout de même consciente que ça ne veut pas dire que c’est ce mouvement seul qui y arrivera. « Si ça fait seulement en sorte que chacun et chacune puissent réfléchir à ses comportements et sur leur façon d’agir en rapport avec d’autres personnes, le mouvement pourrait être porteur pour un changement social positif », souhaite la doctorante en communication.
Cette réflexion est sans doute déjà entamée, mais pas toujours pour le mieux. Déjà, à peine l’année 2018 commencée que certain(e)s remettent en doute le bien-fondé du mouvement. Certains s’inquiètent pour l’avenir des rapports de séduction. La lettre ouverte qu’a fait parvenir Catherine Deneuve au journal Le Monde, en est la preuve.
« Je ne suis pas inquiète pour les rapports de séduction entre les hommes et les femmes, entre les hommes et les hommes et entre les femmes et les femmes », indique Mme Bissonnette. Elle voit surtout dans ces rapports un enjeu d’écoute.« Ce n’est pas si compliqué de comprendre que quelqu’un n’est pas consentant, mais à force de banaliser ou de nier certains gestes, les rapports de pouvoir prennent forme et s’enracinent », soutient Mme Bissonnette.
« Dans sa lettre, Mme Deneuve estimait que le mouvement minait la séduction, mais il faut faire la distinction, les rapports de séduction n’ont pas nécessairement à être empreints de rapport de pouvoir », précise Mme Bissonnette.
À l’autre extrême, les agressions et le harcèlement sont tout à fait empreints de cette relation de pouvoir et c’est pourquoi il faut les dénoncer, tel que l’affirme la doctorante.
Empreinte médiatique
Si la séduction semble pour certains rimer avec le pouvoir, il y a peut-être lieu pour une remise en question collective. « Il y a des normes qui sont véhiculées par rapport à ce que doit faire un gars et ce que doit faire une fille », confirme Mme Bissonnette.
Les médias ont un pouvoir particulier pour véhiculer ces normes. « Par leur contenu, les médias créent des sens communs auxquels on se réfère en tant que récepteur(rice) », explique la doctorante. Elle révèle ainsi que les discours médiatiques n’ont pas seulement une portée descriptive, mais aussi normative. Bien entendu, selon elle, ce ne pas tout le monde qui réagit de la même façon à ces discours véhiculés.
Mme Bissonnette donne en exemple la culture du viol. Elles se basent sur l’idée selon laquelle, une femme chercherait à se faire agresser, par son habillement ou sa réputation, et aussi, par rapport à l’idée que l’agression n’est pas de la faute de l’homme puisqu’il lui serait impossible de contrôler ses pulsions sexuelles trop importantes. Bien que ces notions puissent sembler absurdes, il n’est encore pas rare de les entendre dans les médias.
« Tout ça, ce sont des mythes qui divisent et hiérarchisent, en plaçant les hommes d’un bord et les femmes de l’autre », soutient, la doctorante. Selon elle, ce contexte fait en sorte que la violence sexuelle devient presque permise.
La couverture du mouvement #moiaussi semble toutefois montrer un certain virage du côté médiatique. « Ce qui est intéressant avec le mouvement, c’est la convergence des médias sociaux avec les plus traditionnels », indique Mme Bissonnette. Elle rappelle ainsi que cette attitude a permis de montrer des témoignages et de publier des histoires, notamment celles de Rozon et de Salvail au Québec .
#Etmaintenant
Mme Bissonnette s’intéresse à ce qui découlera du mouvement #moiaussi. Sa thèse portera justement sur la sensibilisation et la mobilisation des hommes sur les enjeux de la prévention des agressions et de la violence sexuelle.
« Je vais étudier toute la production de discours qui ont été faits dans la foulée du mouvement #metoo », remarque-t-elle. Elle croit ainsi qu’il sera intéressant de voir comment les hommes et les femmes ont réagi et ont parlé de ces enjeux.
« C’est vraiment positif en fait que les femmes aient pu s’exprimer publiquement et qu’elles aient pu mettre sur la table l’enjeu des rapports de pouvoir », réaffirme la doctorante. Il faudra voir maintenant si ces dénonciations contribuent enfin à marquer un tournant dans les rapports entre hommes et femmes.