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La place des femmes à l’international

Les récentes révélations de scandales sexuels au sein d’Oxfam et de Médecins Sans Frontières ont grandement dérangé. Elles semblent indiquer que la place des femmes n’est pas plus acquise dans ce domaine. C’est pourquoi la professeure au département de management de L’Université Laval, Sophie Brière, croit qu’il est important d’explorer ces enjeux de genre.

Sophie Brière étudie entre autres les femmes sur le marché du travail. Ingénieurs sans frontières – Université Laval (ISF-Laval) et la Délégation de l’Université Laval pour la simulation de la ligue des États arabes (CIMAL-Laval) l’ont invité à venir présenter la situation dans le domaine de la coopération internationale dans une conférence appelée, Femmes en action : féminisation de l’international. « On met beaucoup d’accent sur les projets, mais peu sur ceux qui y travaillent », témoigne Mme Brière.

La professeure est bien placée pour le savoir, puisqu’elle est aussi la responsable de la maîtrise en développement international. Elle remarque que plusieurs femmes abandonnent leurs aspirations de carrière dans ce domaine malgré l’intérêt qu’elles y portent.

Sur les bancs d’école, elles sont pourtant nombreuses. À l’Université Laval, il y a une proportion de 60% de femmes qui étudient dans cette maîtrise. « Ce n’est pas parce que les femmes sont nombreuses dans un milieu que les enjeux de genre s’effacent du milieu de travail », tient à souligner Mme Brière. Malgré leur force en nombre, elles ne sont pas à l’abri des construits sociaux.

Beaucoup d’étudiantes ont des expériences difficiles. « J’ai même vu des étudiantes pleurer en revenant de leur stage », se désole la professeure. Elles remettent en doute leur carrière. Mme Brière cherche donc à savoir pourquoi, il y a un si grand écart entre l’intérêt initial et la résignation finale.

La désillusion

Souvent en international, il y a une tendance d’idéalisation de la carrière. « Il y a un choc entre se dire que tout est beau et la réalité du terrain », allègue Mme Brière. Sur ce point, rien ne vaut une première expérience, selon elle.

Elle avertit tout de même que l’idéalisation du marché du travail n’est pas propre au développement international. « Souvent, quand on est étudiante, on voit moins les différences liées au genre, mais on se rend vite compte des inégalités, une fois sortie de l’université », déplore la professeure.

Les enjeux de chocs culturels et de conciliation avec la famille et le couple sont rapidement soulevés selon ce que révèle Mme Brière. Ces préoccupations semblent aussi être bien présentes, à se fier aux questions que posent les étudiantes qui assistent à la présentation. « Souvent on entend, si tu veux ce poste-là il ne faut pas que tu aies d’enfants, mais qu’est-ce qui empêche de prendre le contrat à court terme ou de revoir la façon de fonctionner de la boîte », suggère la professeure

Les femmes vont même jusqu’à s’exclure elles-mêmes par crainte de ne pas être à la hauteur, indique Mme Brière. « Ce n’est pas fait pour moi », se disent-elles. Parfois, ce sont les gestionnaires qui excluent le personnel féminin. « Ils se disent qu’ils la dérangeront en lui mettant plus de pression ou alors ils ouvrent le poste avec des critères qui l’empêchent d’appliquer », relate la professeure.

Vieux modèles

Comme dans beaucoup de domaines, le travail en développement international est vu comme une vocation. « Nos organisations sont beaucoup faites en fonction qu’il faille se consacrer pleinement à sa carrière, mais ce n’est pas conciliable pour tout le monde », explique Mme Brière. Ce genre de modèle d’entreprise peut faire peur et est long à faire évoluer.

Selon la professeure, cette mentalité découle de l’époque où les hommes étaient les chefs de famille et que c’étaient eux qui travaillaient. Les statistiques permettent toujours d’observer la persistance de ce modèle. Les taux d’expatriation sont de 15 % pour les hommes et de 8,5% pour les femmes. « Plus souvent c’est la femme qui suit l’homme », précise la professeure.

La présence des femmes amène aussi souvent plus de questions de sécurité. Elles sont cataloguées comme étant plus demandantes que les hommes. « Quand c’est dangereux, on envoie juste des hommes, mais si c’est si dangereux, je ne les enverrais pas non plus », ironise Mme Brière.

Le sentiment d’insécurité est toutefois bien réel chez les femmes à l’étranger, selon la professeure. Souvent dû à la peur du harcèlement ou de l’agression par des collègues ou par la population locale, ceci peut mener à l’isolement et à la dépression. « C’est vrai que si tu vas dans un pays et que tu ne peux plus te promener après cinq ou six heures, ça fait une drôle de vie », admet la professeure.

S’adapter aux nouvelles réalités

Tout n’est pas pour autant perdu. Malgré le fait que certains aspects seront plus difficiles et plus longs à changer, certaines revendications sont possibles, selon Mme Brière. « Par exemple, pourquoi les bailleurs de fonds qui se disent féministes ne permettraient pas à la femme de prendre l’avion pour accoucher ou d’avoir un congé de maternité », déplore-t-elle.

Certains organismes ont déjà pris quelques mesures pour réduire le fossé entre hommes et femmes. « Pour éviter les écarts salariaux, on publie les salaires, comme ça, tout le monde gagne la même chose », relate la professeure.

Il n’y a pas de doute que les rôles genrés sont de plus en plus flous. À cette époque, ils semblent presque anachroniques. Tel que l’indique Mme Brière, il est bien dommage de perdre autant de femmes formées à cause d’un marché de l’emploi mésadapté aux nouvelles réalités. Comme plusieurs domaines, le développement international a encore beaucoup à faire pour bien les intégrer.

 

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