En juin 2017, Sophie D’Amours entrait en poste pour devenir la première rectrice de l’Université Laval. Elle avait alors promis « une gestion plus transparente et plus ouverte », un aspect qui avait fait défaut lors du mandat de Denis Brière. Près d’un an plus tard, force est de constater que cette promesse n’a pas été remplie, malgré certaines améliorations. Impact Campus a rencontré plusieurs journalistes de différents médias afin de dresser un portrait de la situation.
Plusieurs fois durant la campagne au rectorat, Mme D’Amours avait affirmé vouloir faire preuve de plus de transparence lors de son mandat. Cette affirmation faisait surtout suite à la gestion du dossier des agressions sexuelles par l’administration Brière, qui avait été décriée par plusieurs. « C’était la première fois que je voyais l’Université Laval dans un moment aussi sensible dans ma carrière de jeune journaliste. C’était une situation sans précédent et l’Université n’était pas prête à faire face à ça », a affirmé une journaliste ayant requis l’anonymat.
La nouvelle administration est entrée en poste quelques mois plus tard, mais il faut noter que l’équipe de communication est restée la même, et que cela se reflète dans la gestion des relations publiques. « La direction des communications fonctionnait d’une certaine façon sous l’administration Brière, et aujourd’hui, près d’un an après l’élection de la nouvelle rectrice, on a l’impression que les façons de faire aux communications sont essentiellement les mêmes », a souligné Alexandre Duval, journaliste à Radio-Canada.
Demandes d’entrevue
Lorsque les journalistes sont appelés à travailler sur des sujets qui touchent l’Université Laval, il est fréquent de demander une entrevue avec un membre de l’administration. Que ce soit sur des sujets banals ou d’autres un peu plus pointus, il faut passer par le département des communications. « Lorsque l’on traite d’un sujet qui a trait à l’administration, c’est là où le bât blesse », a expliqué M. Duval.
Il est récurrent que les journalistes se voient refuser leurs demandes d’entrevue et doivent se contenter d’une réponse par communiqué. Impact Campus s’est vu refuser quelques demandes récemment, tout comme la plupart des journalistes des différents médias contactés. « Ça ne veut pas dire qu’on ne doit jamais accepter ça. Certaines circonstances font en sorte qu’on va nous répondre à l’écrit », a tenu à souligner le journaliste de Radio-Canada. Chacun a affirmé être conscient que toutes les demandes d’entrevue ne peuvent être acceptées, mais que cela ne doit pas devenir la norme.
Réponses par communiqué
Lorsque l’Université Laval refuse une demande d’entrevue, une réponse par communiqué est toujours émise au journaliste. Cependant, « il serait préférable de savoir pourquoi ça a été refusé; avoir une réponse, une explication », a expliqué notre source anonyme. Peu importe le sujet, un journaliste préfère toujours parler directement à la personne puisque cela permet d’établir un contact et d’orienter l’entrevue en fonction des réponses de l’intervenant. Il faut se rappeler que le but premier du journaliste est de servir l’intérêt public et que si « on ne se pose pas de questions sur le relais de ces lignes pour des entrevues déclinées, on ne sert pas l’intérêt public, surtout que certaines personnes font face à nos questions », a ajouté Alexandre Duval. Il a également affirmé que plusieurs journalistes lui avaient confié avoir vécu des expériences semblables au courant de la dernière année.
Un autre aspect dérangeant en ce qui a trait aux réponses à l’écrit est le fait que ces lignes sont écrites et révisées dans l’optique de ne pas mettre l’institution dans une situation fâcheuse. « Ne pas accorder d’entrevue, c’est, en quelque sorte, du damage control », a souligné M. Duval. En effet, il est impossible pour les membres de l’Université Laval de se placer dans l’embarras s’ils n’ont pas à répondre aux questions des journalistes. Mais est-ce acceptable que l’administration puisse sans cesse relayer des lignes de communication, sans justification? « C’est sûr que Sophie D’amours a un pouvoir sur ces questions-là et peut agir pour que les journalistes aient davantage accès aux personnes expertes de certains dossiers », a soutenu Alexandre Duval, de Radio-Canada.
Tout n’est pas perdu
L’administration de Sophie D’Amours est en poste depuis moins d’un an et comme le dit l’adage, le temps arrange les choses. Dans une institution d’une telle ampleur, il faut reconnaître que faire changer les habitudes peut prendre du temps. En revanche, la majorité des journalistes contactés par Impact Campus sont d’avis que les façons de faire changent petit à petit. « Ce n’est pas facile de travailler avec l’Université Laval, car ils portent plusieurs chapeaux. Mais ils sont dans la bonne direction », a confié une journaliste, qui préfère rester anonyme. De son côté, Alexandre Duval croit lui aussi qu’il faut » donner le temps à l’administration D’Amours de se mettre en place « .
Un autre dossier qui a fait jaser cet hiver est celui des questionnaires très intrusifs, auxquels des candidats à l’embauche pour des emplois de bureau devaient répondre. La date de vos dernières menstruations, souffrez-vous du sida, avez-vous été soigné pour un cancer ne sont que quelques exemples des questions qui étaient posées. Évidemment, la rectrice avait dû réagir à cet épineux dossier, qu’elle avait très bien géré : « Le scrum avait été très long. La rectrice a pris le temps de répondre à toutes les questions, et même plus », a déclaré une journaliste, qui préfère garder l’anonymat.
Des professeurs et des experts accessibles
Un contraste marquant à l’Université Laval est celui de l’accessibilité des membres qui ne sont pas dans l’administration. Tout comme les journalistes d’Impact Campus, ceux des différents médias contactés sont unanimes pour dire que les professeurs et les experts de l’institution sont très enclins à accorder des entrevues. « On a facilement accès à l’expertise des profs. Les intervenants externes vont répondre, mais avec l’administration, on a cette difficulté à aller chercher des réponses », a exprimé Alexandre Duval.