Photo: Courtoisie - Isabelle Houde

La Nuit des Sans-Abris à la Place de l’Université : Sans feu ni lieu

Le 19 octobre dernier, la 17e édition de la Nuit des Sans-Abris (NSA) s’est tenue sous des auspices chaleureux au cœur du quartier Saint-Roch. À chaque année, les acteurs-rices du milieu communautaire en appellent à la « solidarité » de la population pour améliorer les conditions de vie des personnes sujettes à l’instabilité résidentielle. Impact Campus s’est entretenu avec Magali Parent, organisatrice communautaire au Regroupement pour l’aide aux itinérants et itinérantes de Québec (RAIIQ).

Les célébrations de vendredi dernier avaient des airs forains. Elles marquaient une pause dans la continuité du quotidien rustique des personnes en situation d’itinérance. Plusieurs personnes se sont succédées à l’animation de la soirée, tandis que de nombreux groupes ont tenu des kiosques d’information. Des repas chauds servis à volonté, composés d’aliments savoureux, ont sans doute constitué le clou des réjouissances de la soirée. Les convives– le pourquoi de la fête – semblaient heureux-ses de cette reconnaissance.

Chaque année, la NSA initie la population à certaines luttes menées par le milieu communautaire, dont celle de la mixité sociale. Si l’événement se déploie à l’échelle nationale, chacune des villes où elle est soulignée y confère une « couleur particulière ».

Nuit solidaire à la rue

Sensible à la connotation de certains termes, le comité de mobilisation de Québec a convoqué la population à une « nuit solidaire à la rue ». L’objectif était de rallier un public plus large, et de le conscientiser au sujet de la complexité que revêt l’instabilité résidentielle.

Celle-ci ne saurait être réduite au simple fait de disposer ou non d’un logement : « ce n’est pas nécessairement cet élément-là qui préoccupe une personne en situation d’itinérance, affirme à ce titre Magali Parent. Les préoccupations, ça peut être davantage le manque de revenu, l’isolement, des difficultés au niveau de la santé, ou encore des enjeux de consommation ». Le fait qu’une personne soit instable sur le plan résidentiel n’est pas forcément au centre de ses préoccupations : « c’est plus complexe ».

L’organisatrice communautaire considère que le terme « désaffiliation sociale » embrasse une telle complexité. Face à l’adversité, certaines personnes voient leurs « ancrages à la société s’effriter ». Selon leur trajectoire de vie, elles se situent sur un vaste continuum : « une personne peut avoir davantage d’opportunités, parce qu’elle a un réseau social, une capacité de location, son nom est encore bon au niveau du crédit. Mais quand tous ces ancrages-là s’effritent, ça rend sa vie plus difficile ».

Photo: Courtoisie – Isabelle Houde
Une pression au niveau des besoins

Rompue aux rudiments du milieu communautaire, Magali Parent a observé une évolution de la situation de l’instabilité résidentielle depuis quatorze ans à Québec. Désormais, les offres de services couvrent une plus grande variété de profils. De plus, le seuil d’accessibilité à certains services a été abaissé.

Nonobstant ces efforts auxquels ont consenti divers-es acteurs-rices, un achalandage croissant des refuges d’hébergement d’urgence voue les groupes communautaires à refuser des personnes à « presque tous les jours. On sent une pression au niveau des besoins, on ne réussit pas à accueillir tout le monde ».

L’accès au logement est par ailleurs réduit, Magali Parent rapportant que les logements à Québec se sont caractérisés par le prix le plus élevé à l’échelle de la province l’année dernière. La diversité des titres locatifs tendrait également à diminuer, se traduisant par une diminution de l’accès aux chambres et aux logements modestes.

Une action concertée pour pallier l’instabilité résidentielle

En 2014, une Politique nationale de lutte à l’itinérance a été promulguée. De l’avis de Magali Parent, la Politique scelle l’engagement des élus-es à cheminer vers l’éradication du phénomène de l’itinérance. Elle ne saurait être révoquée sous l’impulsion d’un nouveau parti au pouvoir : « maintenant, il y a quelque chose de statué à l’Assemblée nationale, affirme Magali Parent. Ce n’est pas juste un document qui tente d’influencer les programmes : c’est un levier permanent, politique et administratif ».

La Politique structure l’action des différents ministères et secteurs de l’activité humaine. Elle articule le désir de concertation qu’éprouvaient nombre d’acteurs-rices du milieu communautaire depuis des décennies. À Québec, un comité directeur, dont le leadeurship est assumé par le CIUSSS, assure le prolongement des objectifs de la Politique dans la réalité concrète des personnes en situation d’itinérance.

Le milieu communautaire monte la garde

Les groupes communautaires demeurent sur le pied de guerre face à certaines mesures qui entrent en contradiction avec l’esprit de la Politique nationale de lutte à l’itinérance. Magali Parent évoque ainsi le Programme objectif emploi posant des conditions aux nouveaux-lles demandeurs-ses d’aide sociale. « Ça peut encore fragiliser le parcours de vie :  les premiers demandeurs d’aide sociale vont nécessairement devoir s’inscrire dans un programme de retour à l’emploi marqué avec des engagements, des rendez-vous ».

Au moment d’adresser une première demande d’aide sociale, la situation de plusieurs personnes s’est déjà considérablement détériorée. Leurs dispositions ne leur permettent alors pas forcément d’« être soudainement super actives dans un programme de réinsertion à l’emploi, sous peine de se faire couper leur chèque d’aide sociale de moitié ».

La présence de politiciens-nes à la NSA participe de ce désir d’aligner les positions des divers acteurs-rices en matière de lutte à l’itinérance. Il en est de même pour les corps policiers dont la simple présence fait tressaillir certaines personnes. Magali Parent considère que leur participation s’inscrit dans une visée à long terme : celle de favoriser une meilleure cohabitation sociale, « un meilleur accès aux lieux à une plus grande diversité de personnes ». Elle évoque la charge politique et symbolique associée à la participation des corps policiers : « Ça ne donne pas du pain sur la table au monde qui sont dans la rue, puis ça ne change pas le fait qu’il y a de la surdistribution de contraventions qui est faite. Mais petit à petit, on tente de voir une amélioration des façons de faire ».

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