De plus en plus présent dans les médias québécois avec son humour politisé et informatif, Louis T se permet une trêve dans la préparation de son deuxième spectacle en réalisant un vieux rêve : aller à la rencontre des étudiants à travers un college tour à l’américaine. De passage à l’Université Laval le 5 novembre prochain à l’Espace Jardin du pavillon Alphonse-Desjardins, l’humoriste promet de n’épargner rien ni personne, se permettant de confronter le public dans ses positions sur «la pauvreté, [le] racisme, la crise de la masculinité ou la méchanceté sur les réseaux sociaux», avec l’ouverture et le sourire en coin qu’on lui connait. Impact Campus s’est entretenu avec l’humoriste à la veille d’une tournée tout à fait égocentrique.
Pouvez-vous nous expliquer l’idée derrière la tournée universitaire. Est-ce que c’est seulement un exercice de rodage pour votre deuxième one-man-show, ou bien avez-vous développé un concept original à l’intention des étudiants ?
C’est un concept tout à fait égocentrique, c’est un concept juste pour moi ! En humour, au Québec, ça n’existe pas vraiment les tournées des collèges et des universités, mais aux États-Unis, ça existe, c’est plus dans leur culture de stand-up d’aller faire ça. C’est une expérience assez agréable, puisque c’est un public qui est informé, politisé, qui aime rire et qui fait du bruit. Cette espèce de fantasme-là, de le faire et de le vivre ici, prenait seulement l’audace de mon producteur et un peu d’aide pour booker tout ça. Donc, c’est vraiment partie de l’idée d’aller m’amuser, de monter sur scène dans des endroits où je ne suis jamais allé, mettons à Rivière-du-Loup ou en Abitibi. C’était un prétexte pour aller un peu partout.
Est-ce que vous allez présenter du matériel provenant exclusivement du deuxième spectacle, ou ce sera plutôt un mélange de textes incluant aussi certains du premier, regroupés autour d’une thématique ?
C’est seulement du nouveau stock, du matériel qui représente où je suis rendu dans mon travail. La seule différence, c’est que, vu que je vais jouer devant un public un peu plus homogène par rapport à l’âge et les connaissances, je vais peut-être me permettre d’aller un peu plus loin dans mes sujets, je vais essayer des trucs que je ne fais pas nécessairement partout, dans toutes les salles. Il va aussi y avoir une ambiance plus festive, parce que ce sera souvent dans des pubs où il y aura de l’alcool. Ce sera un peu moins sérieux que dans mes spectacles habituels, mais non, il n’y aura pas de vieux matériel, que du neuf.
On m’a envoyé, en prévision de l’entrevue, un petit descriptif de quatre lignes sur ce que serait la tournée universitaire, et dans ce document, on expliquait que vous désiriez « corrompre la jeunesse » au fil des représentations. Comment comptez-vous faire ça, mais surtout, comment percevez-vous cette jeunesse universitaire ?
C’est une maudite bonne question. J’ai 36 ans, j’ai un enfant de trois ans. Mon quotidien, même s’il se passe beaucoup de nuit dans les bars de Montréal où je suis en rodage, est éloigné du leur. Je ne sais pas, je pense que je pourrais découvrir des gens qui sont… C’est-à-dire que moi, je me considère progressiste, mais peut-être qu’en fait, je suis mononcle ! (rire) Ça va peut-être être confrontant, j’ai hâte de voir les réactions, parce que je joue beaucoup devant des gens de 25-45 ans, et là, on va surtout être devant du 18-25 ans. Ça se peut que je découvre une nouvelle énergie, je trouve ça intéressant. J’y vais avec une belle curiosité, mais je n’ai pas nécessairement d’opinion à savoir qui sont les gens de 19 ans. Je ne sais pas, ça doit être du bien bon monde ! Je n’ai pas la prétention de définir cette jeunesse, parce que je me considère encore jeune, en même temps. Je côtoie des gens plus vieux que moi qui me trouvent trop radical dans certaines de mes idées, donc peut-être que ce sera semblable vis-à-vis les étudiants. Je vais vivre avec ça !
L’idée de les corrompre était donc pour rigoler, et non pas de systématiquement ébranler les étudiants dans leurs idées et leurs certitudes.
Je traîne la réputation via mes capsules, mes propos, d’être trop à gauche. Je ne me considère pas trop à gauche, plutôt au centre-gauche, disons, avec certaines nuances. J’écoute quelquefois des médias plus à droite qui trouvent que les jeunes exagèrent, qu’ils sont rendus politically correct… J’ai décidé de jouer avec ça, dans l’idée que j’irai les corrompre en les convainquant d’adopter mes positions progressistes, mais dans les faits, j’ai une grande ouverture sur scène. C’est vraiment fait avec un clin d’œil parce que je veux que mon spectacle plaise à tout le monde, qu’il démontre une certaine ouverture pour faire en sorte que même les gens qui ne partagent pas mes opinions voient la réflexion derrière mes propos.
Vos chroniques sont souvent montées comme des exposés, il y a quelque chose de plutôt pédagogique dans votre manière de livrer vos idées, même dans le but de faire rire. Avez-vous déjà songé à vous diriger vers l’enseignement, ou à poursuivre une carrière universitaire ?
C’est intéressant, mais je pense que je suis trop paresseux pour enseigner à l’université, pour me rendre au doctorat. J’ai déjà été intéressé, plus jeune, par une carrière de journaliste, mais la communication au sens large, c’est tous des métiers qui se recoupent. Moi, mon désir de communiquer m’a mené vers l’humour, puisque c’est un médium qui m’aidait à le faire, mais j’aurais fait autre chose. J’aurais pu être heureux comme enseignant, c’est une belle job de connaître des choses et de les partager avec des gens, de challenger ses idées. Malheureusement, j’ai choisi l’humour !
Les thématiques abordées dans vos textes ont-elles changé entre votre premier spectacle et le deuxième que vous vous apprêtez à présenter ?
Oui, il y a des sujets que je n’aborde plus nécessairement, comme le système de santé, où rien n’a changé et ça ne m’intéressait plus d’en parler. J’aborde encore des sujets qui polarisent ou qui déchirent la société, que ce soit le nationalisme, le racisme, le climat social en général. Ce qui a le plus changé entre le premier et le deuxième show, c’est surtout ma maturité humoristique et le fait que je me mouille plus dans le deuxième, je plonge plus profondément. Le premier était… Pas nécessairement plus rassembleur, mais il s’adressait à un public plus large, mais là je cherche un public un peu plus pointu. Les gens qui ont vu le premier spectacle sont prêts à embarquer et à aller plus loin dans ma réflexion.
Qu’est-ce que Louis T, l’humoriste et le citoyen, pense du résultat des élections du premier octobre ?
Prévisible, même si ça a surpris bien des gens. Je suis quelqu’un qui est assez pessimiste de nature, mais en même temps, j’ai une forme d’optimisme qui est arrivé avec la naissance de mon bébé. Les choses ne changent pas beaucoup dans la vie, peu importe le parti qui aurait été élu, on ne verrait pas beaucoup de différences dans nos vies la semaine prochaine ou le mois prochain. C’est seulement le climat qui va changer tranquillement, et ceux qui ont été déçus par les résultats de cette élection-là peuvent travailler à changer le climat de leur côté en faisant leur effort, en contribuant. Je n’ai pas gagné mes élections, mais je vais continuer à faire mon travail, et ce n’est pas la fin du monde.
Votre humour est militant sans pour autant être partisan.
Oui, mon humour est militant, mais militant pour mes convictions. Je suis victime de mes convictions dans mon humour, c’est-à-dire que je ne peux pas m’en cacher : j’ai des valeurs qui vont paraître dans mon travail. J’essaie toutefois d’avoir une ouverture sur scène, parce que si on veut du changement, on ne peut pas juste envoyer chier nos mononcles en les traitant de racistes. Il faut faire preuve d’un peu plus d’écoute.
Croyez-vous que le socio-politique est assez exploité par la nouvelle génération de créateurs, ou bien vous sentez-vous seul à nager à contre-courant ?
Disons que dans le marché en général, le grand marché de l’humour généraliste, ce n’est pas nécessairement ce dont les gens ont envie d’entendre parler. Chez la jeune génération, il y a toutefois un désir de se prononcer et de parler, de dire des choses. Peu importe qu’ils soient politisés ou non, les jeunes humoristes sont plus engagés dans leurs propos et dans leurs convictions. On a eu une époque en humour où l’on tentait de ratisser large, mais maintenant, les humoristes, même à travers leurs personnages de scène, reconnaissent que c’est important de ne pas dire n’importe quoi, alors ils font leurs devoirs.
À quoi ressemblent vos prochains mois, à la télé, à la radio ou sur scène ?
Je ne peux pas tout annoncer, mais oui, on travaille sur des projets télé et radio que l’on va éventuellement annoncer. Sinon, mes capsules Vérités & conséquences à Tou.tv viennent de commencer pour une troisième saison. L’écriture pour la scène se poursuit également avant de partir en tournée.