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Collaboration transatlantique en matière de sécurité : un enjeu crucial

Dans le cadre du « colloque international sur les relations Union européenne-Amérique du Nord en matière de sécurité », de nombreux experts, chercheurs, professeurs et diplomates étaient réunis à l’Université Laval. Ils ont abordé pendant deux jours de nombreux enjeux cruciaux alliant droit européen aux questions de sécurité dans les relations transatlantiques. Au coeur des enjeux de sécurité, la lutte contre le terrorisme occupe ainsi une place cruciale, avec son lot de défis. Les experts s’accordent à dire que les atteintes à certaines libertés engendrées par ces mesures sécuritaires, sont à surveiller si elles ne sont pas définies par un cadre légal précis.

Collaboration transatlantique

D’abord un partenaire économique, puis commercial, lUnion européenne est devenuun partenaire canadien en matière de défense et de sécurité, avec une coopération qui ne cesse d’évoluer depuis les années 90. Selon Chantal Lavallée, docteuren sciences politiques et chercheuse à l’Institut d’études européennes à Bruxelles, ce partenariat a permis au Canada de contribuer aux missions de la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC). Depuis 2016, le dialogue politique s’est renforcé à travers un Accord sur l’échange d’informations classifiées. 

La collaboration transatlantique en matière de sécurité présente en revanche plusieurs défis. Si le rôle de l’OTAN peut sembler évident, l’Union européenne est un acteur qui doit encore se trouver une légitimité et dont le statut d’acteur en sécurité se voit parfois remis en question. On parle d’ailleurs de mise en place d’une stratégie aérienne militaire commune entre l’Union européenne et l’OTAN. Cela pourrait poser problème puisqu’on risque de «dupliquer ou discriminer ce qui existe déjà», ajoute Mme Lavallée.  

Par ailleurs, considérant que le Canada ne sera jamais membre de l’Union européenne, organisation régionale limitée au continent européen, il existe un nombre de limites à sa collaboration. «Le Canada met à disposition des militaires canadiens pour contribuer aux missions de l’Union européenne, mais ne pourra jamais participer à la décision de ces missions ou aux décisions stratégiques, opérationnelles sur le terrain, ce qui peut entraîner de la frustration chez les militaires canadiens», déclare-t-elle.

Chantal Lavallée dépeint une mise en place d’un cadre transatlantique rempli de défis. À cela s’ajoute le Brexit, qui influence cette collaboration et, en tant que puissance nucléaire et militaire, transforme lUnion européenne. Du côté américain, «l’effet Trump» joue également un rôle important dans les relations transatlantiques.

Lutte antiterroriste:  défi de sécurité majeur

En matière de lutte antiterroriste nord-américaine et européenne, l’une des mesures de prévention et de contre-radicalisation consiste à «défaire le processus et réintégrer les individus dans la société», affirme Julia Burchett, doctorante à l’Université Libre de Bruxelles et de Grenoble. Il s’agit d’agir sur l’ensemble de facteurs à travers des mesures de prévention sociale, comme la lutte contre la discrimination. Le gouvernement canadien, par exemple, applique ce genre de mesures à travers son Centre dengagement communautaire et prévention de la violence, tandis que l’Union européenne le fait avec chacun de ses États membres. Le but étant, en outre, d’empêcher les passages à l’acte violent, grâce aux services de renseignement et de prévenir ainsi les départs vers les foyers de radicalisation, grâce à des mesures de confiscation de documents de voyage.

Elle rappelle que la radicalisation en ligne est un outil de recrutement et diffusion d’idéologieviolenteà grande échelle, mais peut tout aussi bien constituer un moyen de lutter contre des messages extrémistes, à travers un contre discours,de l’éducation aux médias et des solutions proactives. L’un des enjeux de taille est de savoir comment définir un contenu extrémiste, mais aussi de mesurer la part de liberté d’expression. La censure de certains contenus pourrait en effet constituer une entrave à la liberté d’expression. En France, le cadre légal est incarné par la notion d’«apologie du terrorisme» ou de «provocation indirecte» pour d’autres états membres de l’Union européenne. Au Canada, on parle «d’encouragement au terrorisme» comme nouvelle infraction au Code criminel canadien (loi anti terroriste de 2015).

La coopération transatlantique en matière de renseignements est assez importante, souligne Bertrand Warusfel, professeur de droit à l’Université de Paris 8. Le terrorisme constituerait de ce fait un «accélérateur» en matière de coopération des renseignements, aboutissant à de nombreuses coopérations bilatérales. Certaines de ces collaborations entre États européens et nord-américains se matérialisent à travers plusieurs accords bilatéraux en matière de justice et d’échanges de données, comme l’Accord Passenger Name Record, l’Accord sur le transfert de données financières avec les Etats-Unis, ou encore le Terrorist Finance Tracking Programme (TFTP). Des volets secrets du renseignement existent depuis longtemps, parfois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ajoute Bertrand Warusfel, avec des coopérations discrètes entre certains états européens et nord-américains. Après le 11 septembre, par exemple, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure et la Central Intelligence Agency ont mis en place une base secrète à Paris, ayant permis d’identifier des membres d’Al-Qaïda et soutenir des arrestations. Cette base a par la suite été dissoute en 2009.

Liberté et sécurité: un équilibre instable

Les mesures mises en place pour lutter contre le terrorisme peuvent parfois faire débat et soulever certaines questions légales, notamment celle du respect de la vie privée et de la protection des données: un équilibre parfois instable. Trouver un juste milieu entre liberté et sécurité n’est pas facile.

Les Accords Passenger Name Record (PNR) entre l’Union européenne et le Canada visent à identifier les passagers qui pourraient commettre des attentats. Comme en témoigne Pierre Berthelet, docteur en droit et spécialiste de l’Union européenne, la mise en place de l’Accord PNR entre lUnion européenne et le Canada s’est avérée être une entreprise laborieuse.

D’abord controversé et considéré comme un «problème juridique insoluble», l’Accord PNR a entrainé des difficultés pour les compagnies aériennes opérant des vols quittant lUnion européenne en direction du Canada.D’une part, ces compagnies aériennes pouvaient être frappées de sanctions financières si elles ne traitaient pas les données vers Canada. Et d’autre part, le droit européen sanctionnait malgré tout ces compagnies au nom du respect de la protection des données. Après des contestations du Parlement européen et des renégociations, la position du Parlement a évolué et l’Accord est entré en vigueur en 2012, affirme M. Berthelet.

En ce qui concerne le Règlement général sur la protection des données (RGPD), le Parlement européen a négocié quelques avantages et un ensemble de concessions. Il a ensuite opéré un recul stratégique dans le contexte particulier de 2015, à la suite des attentats en France. De plus, depuis l’affaire Snowden, la Cour de justice de l’Union européenne a élaboré, sur base de la Charte de droits fondamentaux, un corpus relatif à la protection des données et considère que l’accord ne répond pas aux standards.

Par ailleurs, selon Claude Bonichot, les éléments pouvant justifier des limitations aux libertés fondamentales du marché commun (liberté de circulation des personnes, libre circulation des services, liberté d’établissement et liberté de circulation des capitaux) sont liés à l’ordre et la sécurité publique. Ces questions existent donc depuis longtemps dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, avec de nombreux arrêtés cherchant à définir ce qu’il faut considérer comme étant une «menace pour l’ordre public et la sécurité publique». Il ajoute que lUnion européenne comporte 28 états membres, «avec des conceptions de certains concepts de base parfois différentes».Dans certains cas, le trafic de drogues, par exemple, ne peut être considéré comme une «raison impérieuse de sécurité publique». À l’inverse, les questions liées à la sûreté de l’État,la sécurité militaire,ou les problèmes de sécurité extérieure peuvent l’être.

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