Installer, en pleine forêt, des lampes infrarouges et des câbles chauffants enfouis pour accroître la température de l’air et du sol afin d’imiter le réchauffement de la planète vous semble farfelu? C’est pourtant sur un tel site, au Minnesota, qu’une étudiante de l’Université Laval tente d’évaluer la réponse des plantes de sous-bois à une hausse de la température.
Marie-Hélène Jacques
L’expérience, sous la supervision de Peter Reich de l’Université du Minnesota, se nomme B4WARMED, un acronyme qui signifie Boreal Forest Warming at an Ecotone in Danger. J’ai eu la chance de me greffer à ce projet, qui avait pour objectif principal d’évaluer l’effet du réchauffement climatique sur les jeunes arbres, afin d’étudier deux plantes de sous-bois qui les côtoient, le maïanthème du Canada et l’aster à larges feuilles.
Reproduction améliorée
Après avoir passé un été à mesurer ces plantes sous toutes leurs coutures, j’en arrive à deux constats principaux. D’abord, sous l’effet de la chaleur, ces plantes poussent plus tôt au printemps. Ensuite, leur performance au niveau de la reproduction est améliorée. Selon l’espèce, elles produisent de plus gros fruits ou des fleurs plus nombreuses. Et alors?, me direz-vous.
Dans le sous-bois, c’est le manque de lumière qui limite la performance des plantes. C’est encore plus vrai pour les petites plantes, comme celles étudiées, qui vivent au ras du sol dans l’ombre des arbres et des arbustes. Celles-ci ont cependant développé une stratégie: elles poussent très tôt au printemps, avant qu’il y ait des feuilles dans les arbres, afin de profiter de la lumière au maximum. Dans l’expérience B4WARMED, cette stratégie est donc mise en œuvre prématurément.
Par ailleurs, si les plantes étudiées ont pu se reproduire plus efficacement, c’est très probablement parce qu’elles ont pu profiter plus longuement de la lumière printanière. En d’autres mots, pour ces plantes normalement privées de lumière, se reproduire est un luxe qu’elles ont pu se permettre, car elles ont connu un printemps très «payant». Si c’est le cas pour les deux espèces étudiées, ça ne l’est pas nécessairement pour toutes les plantes de sous-bois.
Impact du réchauffement climatique
Mais attention! Dans l’expérience B4WARMED, les arbres matures ne sont pas chauffés, alors que c’est le cas en milieu naturel. Dans un « vrai monde » plus chaud, l’avantage observé dans l’expérience pour les plantes de sous-bois disparaîtrait-il? Pas nécessairement. Les arbres ne répondent pas de la même manière que les plantes de sous-bois à une augmentation de la température. Selon les espèces, ils pourraient tout aussi bien ouvrir leurs bourgeons plus tôt que plus tard encore. Il faut donc retenir que la stratégie printanière des plantes de sous-bois sera altérée d’une manière ou d’une autre par le réchauffement climatique, avec de probables conséquences sur leur reproduction. Or, la reproduction est un point primordial dans la survie des espèces végétales aux changements climatiques.
En effet, les zones climatiques se déplacent sous l’effet de l’augmentation des températures terrestres et les plantes, contrairement aux animaux, n’ont pas de pattes pour suivre ces migrations climatiques. Les plantes de sous-bois dépendent donc entièrement de la quantité, de la qualité et de la capacité à se déplacer des graines qu’elles produisent afin de migrer vers un nouveau milieu qui leur sera favorable.
Crédit photo de Une : Marie-Hélène Jacques