Critique littéraire : L’oeil soldat de Larry Tremblay

Depuis le début de sa carrière il y a environ 40 ans, le prolifique auteur et dramaturge Larry Tremblay n’a cessé de surprendre par sa capacité à se réinventer tout en conservant un ton qui lui est propre, chacune de ses oeuvres témoignant de la puissance de son imagination. L’oeil soldat, son plus récent ouvrage paru aux éditions La Peuplade, ne fait pas exception.

L’auteur, originaire de Chicoutimi et à qui l’on doit entre autres l’oeuvre à succès L’orangeraie, manie habilement la langue, de sorte que l’on se sent porté par ce récit poétique poignant, lisant d’un trait les quelques 75 pages qui le compose. Si l’on s’arrête quelques fois dans notre élan, ce n’est que pour mieux apprécier un passage. On relit pour prendre la pleine mesure des images que dessine sous nos yeux le champ lexical riche et évocateur de l’oeuvre.

L’oeil soldat, récit se divisant en deux parties, se veut une incursion dans le monde de la violence, de la guerre, du sang, mais aussi dans celui de la vie qui s’accroche et résiste malgré l’horreur.

D’abord, il y a l’oeil gauche qui voit l’enfance, ses petits maux et ses petites victoires, l’adolescence et toutes ses découvertes, la vision du monde du jeune adulte devenu soldat, qui sera dorénavant entaché :

« Il pleut des morts

mais cette pluie

ne lave rien

n’étanche rien

Sous une branche

une bête boit du sang

j’ai vingt-deux ans

je suis coincé

Mon oeil soldat

n’arrive plus à se fermer ». (p.49)

Ensuite, il y a l’oeil droit, qui dénonce le Mal, s’emporte contre les bassesses de l’humanité et témoigne de l’empreinte indélébile que laisse le combat sur l’âme du soldat, allant jusqu’à suggérer que seule une fin définitive permet d’y échapper et d’atteindre la délivrance :

« J’arrache ma chemise tachée de mort.

Je dépose ma fatigue de métal. »

(…)

« Aujourd’hui,

je ferme mon oeil soldat. » (p. 75-76)

Au final, il y a le talent indéniable d’un auteur qui vise juste et vient nous bouleverser, une fois de plus.

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