[CHRONIQUE] 31 décembre 2017. Logan Paul, célèbre youtubeur et influenceur comptabilisant à ce jour près de 20 millions d’abonnés, met en ligne une vidéo retraçant son excursion dans la forêt japonaise de Aokigahara. Cette destination n’est pas anodine, l’endroit étant historiquement renommé «Forêt des Suicides », et Logan prouvera au monde entier la véracité de cette réputation en incluant l’image floutée d’une personne pendue entre les arbres dans son vlog.
Par Malia Kounkou, journaliste collaboratrice
La controverse est immédiate et le haut-le-coeur, international. Exploiter une tragédie dans le seul but d’obtenir le plus de vues possible est une stratégie abjecte, tous s’accordent sur ce point. Les familles ayant subi la perte similaire d’un être cher laissent éclater leur outrage. « Ce corps était celui d’une personne que quelqu’un a aimé», lui rappelle l’actrice Anna Akana dont la soeur a été retrouvée dans ces mêmes conditions par son propre frère.
La toile s’embrase et les médias s’emparent du sujet.
Les premières excuses de Logan Paul sont intéressantes à analyser. Rédigées dans ses notes d’iPhone, il postera les deux captures d’écran sur son compte Twitter en les accompagnant de la légende « Cher Internet ». Dedans, il justifiera ses actions en se vantant tout d’abord de ne pas avoir besoin de faire scandale pour promouvoir ses vidéos (« Je ne l’ai pas fait pour les vues. Je les ai, les vues. »). L’unique but de sa démarche, selon lui, était d’ouvrir un dialogue de prévention. Il fait ensuite appel à l’indulgence du lecteur, rappelant que sa production de contenu vidéo est quotidienne et que ce rythme effréné ne permet pas forcément de se pencher sur des questions d’éthique entre deux publications.
Mais le plus intéressant se situe à la toute fin de son mot d’excuse : « Je pense souvent à la portée importante que j’ai réellement et un grand pouvoir implique de grandes responsabilités… Pour la première fois de ma vie, je suis au regret de dire que j’ai usé de ce pouvoir incorrectement. » Une seule phrase pour résumer le malaise de tout un métier. Car, de nos jours, tout le monde veut être influenceur mais chacun en ignore les implications. On ne voit de cette néo-profession que son côté scintillant ; l’exposition médiatique, les parrainages rémunérés, les produits de marque gratuits, les voyages promotionnels et le nombre grandissant d’abonnés. On parle de hashtags, d’algorithmes, de positionnement marketing, de vues et de clics. Les êtres humains ne sont ici que des chiffres dont l’opinion est monnayée.
En 2017, lorsque Logan Paul postait son vlog macabre, c’était à un groupe de fans se situant majoritairement entre onze et quinze ans. Des pré-adolescents pour qui la moindre parole du youtubeur pouvait faire foi de loi. Le tollé qui s’en est suivi l’a pris totalement de court et cela se ressent dans le premier paragraphe de son
mea-culpa : « C’est une première pour moi. Je n’ai jamais fait face à autant de critiques auparavant car je n’ai jamais commis une erreur pareille. » Une telle surprise ne s’explique que par le retrait de la dimension humaine et morale dans sa perception du métier.
En effet, être influenceur, c’est être pleinement conscient du public qui nous soutient ainsi que de l’effet boule de neige que peut avoir sur lui le moindre de nos agissements, positif comme négatif. Cette conscience doit s’accompagner d’une responsabilité morale qui nous aidera à soupeser soigneusement ce que l’on choisit de leur présenter. Car si ce métier requiert de manier à merveille notre pouvoir de persuasion, il est crucial de savoir l’employer à de belles fins.
Soyons l’influence positive que nous voulons voir autour de nous.