Illustration par Kamylia Gagné

Le Slasher : entre clichés et résistances

Dans les années 60, les sorties de Psycho d’Alfred Hitchcock et Peeping Tom de Michael Powell annonceront le début d’un genre en apparences intarissable du cinéma d’horreur : le Slasher. Une décennie plus tard, The Texas Chain Saw Massacre (Massacre à la tronçonneuse) de Tobe Hooper et Halloween de John Carpenter établiront sans le savoir les codes du Slasher qu’on mettra plus de vingt ans à déjouer.

Par Emmy Lapointe, cheffe de pupitre arts et culture

Quand David Lynch et John Carpenter se rencontrent

L’automne dernier, j’ai suivi le cours Cinéma et sexualité qui, sans blague, a vraiment modifié mon rapport au cinéma. Il a souvent mis des mots sur des malaises, des sensations que je n’étais même pas toujours consciente d’avoir et il n’était jamais question de « bons » ou de « mauvais » films. Il n’y avait pas cette conception élitiste
des productions artistiques ; que nous parlions de cinéma « d’auteur » ou de cinéma « populaire », chaque œuvre était étudiée avec le même sérieux.

Et je ne sais pas, mais j’ai toujours été une fan de cinéma d’horreur, sauf que ce n’est pas le genre de trucs qu’on dit en cinéma ou en littérature. Il faut aimer David Lynch, Kubrick, Agnès Varda, et je les aime, mais au même titre que j’aime John Carpenter et Wes Craven. Et là, grâce au cours, j’avais les outils théoriques pour expliquer en quoi un film à propos d’un tueur à la tronçonneuse pouvait être intéressant.

Des cadavres par dizaines

À cheval entre les propos de Carol J. Clover et Cynthia A. Freeland, on pourrait définir le slasher movie comme mettant généralement en scène un tueur psychopathe (masqué la plupart du temps) influencé par des pulsions sexuelles et meurtrières à poignarder ses victimes. Le tueur s’en prend d’ordinaire à de jeunes étudiants issus de la classe moyenne aisée américaine. On observe essentiellement deux types de tueurs : le psychopathe fou (Prom night de Paul Lynch, Maniac de William Lusting) et celui aux caractéristiques quasi animales qui semble ne jamais pouvoir mourir (Halloween de John Carpenter, Friday the 13th de Sean S. Cunningham).

Le site Rotten Tomatoes a établi un classement du nombre de meurtres commis par les tueurs les plus célèbres des films de slasher. Au sommet du palmarès, on trouve Jason Voorhees avec 146 victimes en douze films, suivi de près par Michael Myers avec ses 107 meurtres en neuf films. Quand j’ai su ça, je me suis dit que c’était des kill ratio assez impressionnants, et que pas mal de gamers rêveraient d’avoir les mêmes. Ce n’est peut-être pas tant la manière dont les victimes sont tuées ou à combien elles se chiffrent qui importent, mais plutôt qui elles sont. Et la réponse est simple : elles sont des femmes, le plus souvent.

Selon Clover, lorsqu’un homme meurt dans un film de slasher, c’est pratiquement toujours parce qu’il a commis une erreur, alors qu’une femme meurt quand elle en commet une ou tout simplement parce qu’elle est une femme, ce qui est absurde. Plus inepte encore, c’est souvent l’activité sexuelle des personnages féminins qui
détermine leur sort. Si une femme a une relation sexuelle à un moment dans le film, il y a fort à parier que quelques scènes plus tard, elle sera poignardée. Et au contraire, celle qui, de tout le film, aura joué la «ménagère», la « virginale » sera non seulement épargnée, mais également promue au rang de final girl, c’est-à-dire celle qui mettra le tueur hors d’état de nuire.

Déjouer les codes

Les slasher movies sont des films à formules et plusieurs d’entre eux sont presque identiques. On modifie le moment de l’année où se déroulent les meurtres, le tueur devient un enfant, et hop, on a un nouveau film à produire. Heureusement, certains cinéastes résistent à ces schémas simplistes et prévisibles. Avec sa série Scream (les deux premiers surtout) par exemple, Wes Craven, en plus de décloisonner les personnages féminins, propose, à même ses productions, une réflexion pertinente et une critique sur le sujet. Il est un cheval de Troie du cinéma d’horreur.

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