Illustration par Kamylia Gagné

Les Washings, ou comment les entreprises se moquent de leurs clients

Green, pink et fair washing sont les techniques de vente les plus populaires des entreprises pour valoriser leur image et augmenter leurs ventes. Comprendre les techniques commerciales permet d’être un acheteur averti qui ne se laisse pas influencer par l’image, mais par les actions concrètes posées par les entreprises. L’expert Luc Audebrand, professeur titulaire de la Chaire de leadership en enseignement sur l’engagement social de l’Université Laval, explique le phénomène des washings.

Par Léonie Faucher, rédactrice en chef

Tout d’abord, les washings se caractérisent par des procédés marketing ou de relations publiques qu’utilise une organisation pour se revêtir d’une image de responsabilité. Autant les entreprises que l’administration publique peuvent avoir recours à ces méthodes. Luc Audebrand pense que « malheureusement, en 2019, encore des entreprises utilisent ces vieilles techniques-là. D’un point de vue marketing, ça fonctionne, car le client regarde,
il ne vérifie pas et il se fait avoir. » Le client se fait tromper, car les entreprises dépensent davantage en publicité qu’en véritables actions en faveur de l’environnement et du développement durable. C’est le devoir du client d’aller au bout de l’acte du consommateur en se renseignant sur les méthodes des organisations chez lesquelles il achète.

Tromper les écolos avec du vert

Le premier concept qui est arrivé est le greenwashing, aussi nommé écoblanchissement et verdissage. En effet, les mouvements sur l’écoresponsabilité prennent de plus en plus de place dans l’espace publique. Les entreprises se servent de cet intérêt marqué pour attirer la clientèle avec des produits ou une image « verte ». Par exemple, les produits certifiés bio ou des bouteilles en plastique recyclé, mais le sont-ils vraiment ?

L’enseignant en économie pointe que « l’écoblanchissement consiste à faire des changements cosmétiques carrément ; de changer les couleurs de son site web, de dire qu’on est en faveur de ça, de dire que tu vas donner des sous à telle cause. Donc l’écoblanchissement, c’est de faire des changements très minimaux pour donner
l’impression d’être vert, d’être écoresponsable. On le voit par des entreprises qui changent tout d’un coup leur logo en vert. »

Être social pour attirer la société

Le deuxième concept fréquemment utilisé est le fair washing ou le social washing qui consiste à se donner une cause sociale. Ce filon prisé par les grandes marques compte sur l’éthique de leur engagement pour redorer leur image. Par exemple, une entreprise qui se dit respectueuse des droits des travailleurs peut se servir du fair washing. « Beaucoup d’entreprises mettent des faux logos de certification équitable, c’est des certifications équitables maison qu’elles se sont créées elles- mêmes ou qu’elles ont créées en association avec leurs partenaires pour avoir l’air d’être équitables. Nos produits sont éthiques selon tel critère, qu’ils ont eux-mêmes mis en place et qui n’existe pas vraiment. »met en évidence Luc Audebrand.

« Il est important de s’attaquer vigoureusement aux tentatives de récupération de l’expression
« commerce équitable » par les multinationales, car elles contribuent à vider l’appellation et la certification
« commerce équitable » de son sens » – Luc Audebrand

Le féminisme, tellement vendeur !

L’autre principal concept utilisé par les organisations est le pink washing qui s’apparente au fair washing, à la différence que ce sont des causes pour aider les femmes qui sont présentées pour allécher les féministes. Par exemple, « pendant le temps du cancer, toutes les entreprises se mettent en rose, des petits rubans roses, mais quand tu grattes un peu, elles ne font pas grand-chose pour la cause », remarque l’enseignant.

« Je suis allé mettre de l’essence dans une entreprise pétrolière et il y avait une publicité : 1 ¢ par litre d’essence suprême. Ça donne l’impression qu’ils sont pour une bonne cause comme le cancer du sein, mais qui met de l’essence suprême ? C’est extrêmement rare ! Ils se mettent une bonne cause, mais ils n’en font pas grand-chose. Pourquoi ne pas avoir fait ce don pour chaque litre d’essence sans plomb de base pour avoir plus d’impact ? Ce n’est pas mauvais, mais ils récoltent plus de bénéfices par la publicité que de bien qu’ils font », ironise Luc Audebrand.

L’image cache des petits caractères

« Le washing n’a aucun côté positif. Le seul côté positif, c’est lorsqu’il y a un scandale qui émerge
et que les entreprises doivent changer leur manière d’être. On s’est rendu compte que Nike utilisait des
ateliers de misère au Bangladesh quand un des ateliers s’est écroulé et qu’il y a eu plein de morts.
Nike n’a pas eu le choix de mettre en place des pratiques différentes », explique Luc Audebrand.
C’est difficile de s’en rendre compte, parce que le consommateur va rarement jusqu’au bout du
processus d’achat : « c’est quoi le montant qui a été remis réellement à la cause ? Finalement, on ne sait
jamais quel montant a été remis lorsque l’on montre un chèque de 10 000 $, mais sur ce montant combien de millions de profit l’entreprise a fait ?

Ce n’est rien par rapport à l’argent qui a été investi, ce n’est rien par rapport aux gens qui ont décidé d’acheter le produit là. », éclaire l’enseignant. C’est un peu les petits caractères derrière l’image des organisations, mais en portant attention, les washings peuvent être repérés dans la publicité, les rapports annuels, les changements de logo, même dans l’attribution d’un nouveau nom à un produit ou un département.

Mais pourquoi « mentir » dans une époque où la société veut agir ?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord se demander quel est l’objectif de l’entreprise capitaliste. C’est de maximiser les profils des actionnaires. Luc Audebrand les compare à des scorpions qui sont là et qui piquent. En cherchant quelque peu sur les sites officiels des entreprises, c’est souvent identifié dans leur mission que leur objectif est de faire valoir leurs actionnaires.

« Ça coûte moins cher de faire une campagne marketing que de changer ses pratiques. Ils font un calcul coûts-
bénéfices. Je vais avoir des clients qui sont attirés par ma publicité en rose, mais faire des efforts pour la condition des femmes dans les sweatshops ou comment faire du commerce équitable sur certains produits de base faits par des corporatives, c’est beaucoup plus long et beaucoup plus pénible. Ultimement, leur objectif est de bien paraître, pas de faire de réels progrès », mentionne l’enseignant.

Devenir un consommateur intelligent

Bien que l’opération de changer ses méthodes de consommation prenne du temps, l’enseignant préconise que l’acheteur doit acheter en fonction de ses valeurs. « Si on veut vraiment être sérieux dans ce travail d’où l’on achète, chaque geste d’achat doit être réfléchi. Premièrement, définir les critères qui sont importants pour moi lorsque j’achète. Par exemple, l’achat local. Sachant que parfois, pas toujours, acheter local c’est plus cher »,
précise Luc Audebrand.

Parfois, il arrive que le produit que l’on cherche n’ait pas encore d’option équitable. Par exemple, dans le domaine de la technologie, beaucoup de progrès reste à faire au niveau du commerce équitable et social. Aujourd’hui, les appareils indispensables que sont les téléphones connaissent maintenant l’alternative des Fairphones qui sont
socialement responsables.

Le développement durable : l’objectif à viser

Les entreprises devraient toutes pencher vers le concept de triprofitabilité, « c’est-à-dire que chacune des actions de l’entreprise profite à la planète (favorise sa régénération), profite aux gens (favorise la dignité des êtres humains) et profite économiquement en permettant que l’argent soit redistribué aux personnes. C’est là où l’on en est rendu dans le développement durable », expose M. Audebrand.

Donc, ce que nous pouvons faire en tant que consommateur, c’est de prendre le temps de vérifier les informations que transmettent les entreprises et se pencher sur leurs méthodes autant dans la production que dans la vente.
Prioriser les organisations qui visent la triprofitabilité peut influencer le milieu économique en favorisant les entreprises qui s’impliquent réellement dans le commerce équitable et les causes sociales.

Sept péchés du washing

1. Compromis caché : Identifier un produit comme écologique ou éthique en se 
basant sur un seul attribut (fait de matériaux recyclés) quand d’autres attributs 
ne sont pas considérés (l’énergie utilisée lors de la fabrication, les émissions 
de gaz).

2. Pas de preuve : Se déclarer environnemental ou éthique sans rendre accessible 
des évidences sur le site du produit ou sur l’étiquette (pas de données pour 
supporter).

3. Imprécision : Utiliser des termes qui sont trop vastes pour être bien compris 
(les tout naturels).

4. Non-pertinence : Citer quelque chose qui est techniquement vrai, mais qui n’est 
pas un élément recherché pour un produit écologique ou éthique. (CFC-Free, mais 
depuis que le CFC est banni par la loi en 1987, c’est sans particularité).

5. Le moindre de deux maux : Se dire plus vert ou plus éthique que les autres 
produits dans une catégorie de produits qui n’est pas écologique (une cigarette 
organique est plus verte, mais ça reste une cigarette).

6. Grippage : Se vanter d'être quelque chose que nous ne sommes pas (prétendre
être certifié Energy Star, mais ne pas l'être).

7. Aborder des fausses étiquettes : Implique qu’un produit a une certification 
tierce qui n’existe pas (fausses étiquettes de certification).

Auteur / autrice

  • Léonie Faucher

    Passionnée de l'écriture, Léonie termine cette année son Baccalauréat en études et pratiques littéraires. Plus tard, elle vise l'enseignement de la littérature au collégial. Son parcours universitaire est marqué par son implication journalistique. Les mots et la photographie sont ses outils de prédilection. En tant que journaliste, les sujets sociaux, artistiques et les créations l'intéressent particulièrement.

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