Le 24 septembre, Abou Kasha Al Iraqi et Saleh Al Turki, deux membres d’Al Qa’eda, périssaient au Pakistan dans un bombardement mené par un avion sans pilote – un drone – opéré par la CIA.
Jérémie Lebel
Leur mort n’est qu’une épingle de plus au tableau de chasse des responsables du renseignement américain, qui gèrent un programme de frappes aériennes ciblées d’une envergure sans précédent, dont le rythme a fortement augmenté sous la présidence d’Obama. Au Pakistan, par exemple, 50 frappes ont été menées sous George W. Bush ; Obama a ajouté 294 bombardements à ce score. L’appareil de sécurité des États-Unis se sert des drones pour assassiner des individus reliés au terrorisme en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen et en Somalie.
Fait inusité, les avions sont opérés non seulement par le commandement central des forces spéciales, mais aussi par l’agence centrale de renseignements, la CIA. Un comité secret de responsables du renseignement désigne les cibles selon un processus opaque chapeauté par la présidence. Le programme échappe aux normes traditionnelles de la légalité; en septembre 2011, le propagandiste Anwar Al Awlaqi était tué au Yémen sans aucune forme de procès, alors qu’il possédait la citoyenneté américaine. Deux semaines plus tard, son fils de 16 ans subissait le même sort comme « victime collatérale » d’une autre frappe.
Le bilan des frappes de drones est difficile à déterminer. Les statistiques du Bureau of Investigative Journalism recensent entre 2 532 et 3 251 morts au Pakistan, au Yémen et en Somalie dans les 8 dernières années, dont entre 475 et 879 civils. Ce dernier chiffre doit être lu avec scepticisme, car les autorités américaines considèrent comme une cible légitime tout homme ayant l’âge du service militaire qui se trouve à proximité de terroristes. Au Yémen, le président Obama a autorisé l’appareil de sécurité à utiliser des «frappes selon la signature», c’est-à-dire qui visent des individus inconnus dont les schèmes de comportement les rendent soupçonnés de terrorisme, une stratégie depuis longtemps en place au Pakistan. Aux États-Unis, le consensus politique autour des assassinats assure à la méthode Obama un long avenir; pour les civils zones tribales du Pakistan, il faut apprendre à vivre avec, au-dessus des toits, le bourdonnement constant des appareils porteurs de mort.