Sorties littéraires novembre

Post-po – Karoline Georges – Éditions Québec Amérique
« Quand le dernier bout de membrane a commencé à glisser le long de mon bras, l’angoisse a été si puissante que j’ai tenté de réagir. Je savais bien que je n’avais plus de muscles. Ni de ligaments. Pas le moindre nerf non plus. Et même pas d’épiderme pour dissimuler le peu qui subsistait de ma présence au monde. Et pourtant, j’ai vraiment essayé de mouvoir mes quelques bouts d’os.

J’ai alors senti un craquement.

Avant que je réussisse à déterminer sa provenance, mon avant-bras s’est détaché, au niveau du coude, emportant dans sa chute mon dernier lambeau de Po. »

 

Lola – Aïko Solovkine – Éditions Québec Amérique
« En quelques minutes et à deux cents mètres de sa maison, au détour d’une rue qu’une couronne de pins éteint en cul-de-sac, dans le soir qui était déjà au ras de la nuit et cette nuit-là était la plus froide de janvier, Lola a disparu. »

 

 

 

Les coups de dés – Sean Michaels – Alto
« Pendant de longues minutes, Theo pédala sur le chemin. L’asphalte était satiné, argenté. Les brises avaient façonné de petits remblais sur les côtés. La chaleur semblait basse, presque horizontale. Au départ, elle lui sembla supportable, comme si elle pouvait simplement être mise de côté, remplacée par autre chose. Elle ne fut pas remplacée. Elle resta. En route vers Lou, pensa-t-il avec un mélange de ravissement et d’incertitude, suant dans sa chemise en coton de vichy. Il aimait bien ce vélo lent et encombrant. C’était comme pédaler au ralenti. Comme avancer dans le temps, d’une seconde à l’autre. »

 

Les grands espaces – Annie Perreault – Alto
« Ce récit en est un de rencontres, de fougue et de froideur, de géographies trop vastes pour s’y sentir chez soi. C’est ce que j’étais venu chercher ici, un chez-moi. Je me donnais le temps d’apprivoiser les paysages taillés dans les glaces, conçus pour apaiser un homme comme moi, sans port d’attache. Je commençais d’ailleurs à prendre mes aises dans ce long hiver lorsqu’Anna a surgi en pleine tempête. »

[…]

« Sur mes rives, des chamans disent que j’ai une âme. On me prépare des offrandes. On appréhende mes mouvements, on redoute les vents violents qui lèchent mes glaces en hiver comme si c’étaient des plaies ou la pulpe de lèvres aimées.

On prie pour que je me tienne tranquille. On sait que, lorsque mes profondeurs grondent, mon cri monte, des lignes de faille troublent ma surface.

Je suis vivant. »

 

Le royaume de Saguenay – Stéphane Bardon – Éditions Complicités
« Donnacona acquiesça d’un signe de la main. Il regagna La Bastille comme une âme traînant sans peine. La résurgence de ce combat héroïque l’accabla en chemin du désir inassouvissable de revivre son expérience d’avant. Et pour ajouter au mal du pays, il se rappela qu’en cette saison au Canada, il pêchait les poissons qui frayaient sous la glace des rivières et chassait l’élan dans l’épaisseur des forêts enneigées. Naguère meneur d’hommes, il en était réduit à rendre aux uns et aux autres de menus services dévolus d’ordinaire aux femmes, à la manière d’un serviteur fidèle, mais résigné à la servitude. Qu’il ventât, qu’il plût ou qu’il neigeât, il s’offrait à quiconque du voisinage dans le besoin. Ces commissions le maintenaient en vie en lui donnant un semblant d’utilité sociale, et apparaissaient aux yeux de tous comme les actions d’un honnête homme. »

 

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