Mon rapport à la saga Scream n’est que tendresse. Pour moi, le film de 1996, que j’ai visionné pour la première fois à l’adolescence, consiste en une initiation par excellence du genre horrifique. La scène d’ouverture — absolument terrifiante, traumatisante, cauchemardesque — restera à jamais marquée dans ma mémoire comme une véritable leçon de cinéma. Avec cette scène, Wes Craven (paix à son âme) a prouvé sa compétence à filmer l’horreur, montrant que la sobriété d’une mise en scène efficace prime largement sur la surenchère d’effets chocs et d’effusions de sang. Dès lors, quoi de mieux, pour célébrer la réouverture des salles de cinéma, que de revisiter une vieille saga si chère à mon cœur?
Par William Pépin, chef de pupitre aux arts
L’héritage
Scream, ce n’est pas une saga de films d’horreur comme les autres. En fait, Scream, ce n’est pas une saga comme les autres tout court. Si la série agit avant tout comme un commentaire sur le genre horrifique, plus particulièrement sur celui du slasher, sur ses codes et sur son évolution, nous aurions tort de réduire les quatre premiers films à cette dimension d’une saga se regardant le nombril par le prisme d’œuvres contemporaines du même genre. Oui, le discours méta est présent, voire fondamentale dans l’articulation de ces films, mais cette caractéristique de la saga est loin d’être suffisante pour expliquer en quoi cette dernière est marquante pour plusieurs : Scream, c’est d’abord et avant tout des personnages, pour qui nous développons un attachement sur plusieurs films.
Pour celleux qui, comme moi, admirent le travail de Wes Craven, comprendront ce que je veux dire par là : que l’on pense à Gale Weathers (Courtney Cox), Dwight Riley (David Arquette) ou Sidney Prescott (Neve Campbell), difficile de ne pas s’attacher aux personnalités lumineuses de ce trio qui, force est de constater, brille en contraste des événements qu’ils doivent traverser. Inutile de vous dire que j’étais impatient que les salles de cinéma rouvrent pour redécouvrir ces personnages à l’intérieur d’une nouvelle proposition. Hélas, mes grandes attentes envers de Scream (2022) sont inversement proportionnelles à la douleur de ma déception.
Suite et reboot : qui commente quoi?
Il faut savoir que Scream (2022) s’inscrit dans la vague actuelle des films d’horreur réinitialisant leur franchise à moitié, comme celle d’Halloween en 2018, Candyman, ou encore The Grudge, et ce, dans une volonté à la fois de faire table rase des films qui les précèdent tout en leur rendant hommage, dans un désir hypocrite de renouveler de vieilles icônes du cinéma d’horreur pour finalement s’enliser davantage dans le sournois mécanisme de la nostalgie et du plaisir facile. Certaines propositions sont certes plus pertinentes que d’autres, mais la plupart ne consiste qu’en de pâles copies de leur original. Si l’idée de revisiter les racines de la série Scream est légitime, voire pertinente dans le contexte d’une saga qui se commente constamment elle-même, il est difficile de ne pas y voir qu’une énième tentative stérile et mercantile de surfer sur le dos d’une franchise qui n’avait rien demander. Comme quoi l’idée, aussi brillante soit-elle, ne fait pas tout.
Il est temps de fermer le coffre à jouets
Cette fois, deux réalisateurs sont derrière la barre. Si l’amour de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillet pour la saga du défunt Wes Craven se fait sentir dans cette nouvelle mouture, force est de constater que cet amour n’est pas suffisant pour sauver les meubles : ce cinquième Scream est sans doute ma plus grande déception de ces dernières années tant son intrigue est fade, son discours sur l’industrie du cinéma d’horreur aussi forcé qu’anémique et ses personnages bâclés, survolés, oubliés. Je suis désolé, mais le scénario de ce Scream (2022), même avec toutes les bonnes intentions du monde, surpasse à peine le troisième volet tant son propos est vain, opportuniste. Même le trio original ne parvient plus à nous captiver, tels de vieux jouets que l’on dépoussiérerait par nostalgie, réalisant à contrecœur que la magie n’est plus là et qu’il est grand temps de passer à autre chose.
Oui, si vous voulez, certaines scènes, certains clins d’œil font plaisir. Oui, certaines scènes réussissent à créer suffisamment de tension pour nous rappeler ces moments de frissons (!) des premiers films. Oui, ça fait toujours plaisir de revisiter ces territoires nostalgiques et confortables que conserve notre mémoire, mais que voulez-vous : une fois les surprises cosmétiques évincées, il est difficile de voir en cette proposition une quelconque pertinence, pertinence qu’avaient les derniers opus, même les plus inégaux. Pour moi, le constat est clair : quelque chose est mort avec ce Scream. À vous de juger si le film réussit son pari de s’articuler à partir des fantômes de son passé, mais, à mon sens, la promesse d’un renouvellement me semble bien ténue et croyez-moi, j’en suis le premier désolé.