Dans les prochains livres d’histoire, la date du 4 novembre occupera désormais une place particulière, car elle a vu la nation la plus puissante du monde offrir la Maison Blanche à un africain américain. C’est exceptionnel quand on sait qu’il y a quelque 50 ans, il y avait de la ségrégation dans ce pays. C’est d’autant plus magnifique que peu de gens l’auraient prédit.
Dans une entrevue accordée au Nouvel Observateur à l’été 2008, Joseph Lowery, qui fut un proche de Martin Luther King, réagissant à la question de savoir s’il aurait pu imaginer, dans les années 1950, un Noir ayant une chance d’être président des États-Unis, affirmait : «Non, évidemment, je ne l’aurais pas imaginé dans les années 1970, il y a dix ans, ni même il y a cinq ans.»
Président post-racial
J’ai été marqué par le positionnement de Barack Obama au sujet de la couleur de sa peau. S’il a reconnu être «noir», il a surtout affirmé qu’il était le candidat de toute l’Amérique. C’était l’attitude à avoir, le discours à tenir. Cela démontrait l’amour de son pays, la foi qu’il mettait dans celui-ci, mais par-dessus tout, sa volonté de réconcilier l’Amérique avec elle-même et, par conséquent, de tourner des pages de son histoire.
En élisant un président «noir», un président africain américain, les États-Unis d’Amérique se sont prouvé que les arrière-petits-enfants d’esclaves étaient véritablement chez eux. Ils n’ont désormais plus rien à s’interdire. Désormais, tout est possible. YES, WE CAN.
Les chiffres qui entourent son parcours démontrent également comment il a su, comme les grands artistes, chercher chez les hommes noirs, jaunes, blancs… ce qu’ils ont de profondément humain. Car pour moi, quelqu’un qui est capable de lever 700 M $ dont 150 en un mois pour une campagne électorale, quand on sait que c’est à partir de petits montants, a su toucher dans leur cœur et dans leur âme des millions de personnes. […] Le président Obama a mobilisé 1 000 000 de volontaires pour sa campagne !
C’est pour cela que je pense que le symbolisme que suggère son élection fait de lui le premier président post-racial. Désormais, la couleur de peau n’est plus au centre des plus hauts enjeux dans ce pays.
C’est une nouvelle importante, car après que le pays qui crée 25% de la richesse mondiale eut posé ce geste, les autres grandes nations sont obligées de se poser des questions. Dans un monde où les flux migratoires seront de plus en plus nombreux, où les pays du Nord auront besoin du Sud pour maintenir ou développer leur démographie, n’aura-t-on pas de plus en plus de situations semblables ? […]
Un espoir mondial
Il n’y a pas que les pays du Nord qui doivent s’interroger sur ce que l’on peut appeler leur diversité, mais aussi plusieurs pays du Sud, particulièrement ceux d’Afrique. Nul n’ignore que plusieurs pays y sont dirigés sur une base ethnique. Est-ce nécessaire de rappeler les massacres organisés au seul motif que les victimes n’étaient pas d’une certaine tribu ? Qui ignore les guerres civiles qui sont déclenchées parce que l’on a joué une musique avec la guitare et le piano ethniques ?
Barack Obama, dans son discours, ne s’est jamais renié, mais a voulu être le président de tous. Vivement que cette démarche inspire les dirigeants africains. Souhaitons que les leaders de demain soient d’abord Camerounais avant d’être Bamiléké, Éwondo, Bassa, Douala… Certains me diraient même qu’il faut aller plus loin, et d’une certaine façon, ils ont raison, on pourrait se dire qu’il faut d’abord être Africain avant d’être Camerounais, Gabonais, Burkinabé ou Béninois.
Car s’il est vrai que nombre d’experts pensent que d’ici à 2050, l’Afrique aura un poids démographique comparable à la Chine et à l’Inde, les seules richesses de son sous-sol ne nous suffira pas. Il faudra une certaine identité africaine et cela commande un dépassement de nos ethnies. Charles De Gaulle ne l’avait que trop bien dit, «l’ambition individuelle est une passion enfantine».
Mais je suis résolument optimiste car, tel que mentionné plus haut, il y a cinq ans encore personne n’aurait cru au dénouement du 4 novembre auquel nous avons assisté.
Vous me permettrez donc de rêver que Dieu, Allah, Bouddha, le Grand Architecte de l’Univers ou encore l’Âme universelle donne à l’Afrique, dans un futur proche, des leaders qui soient capables d’inspirer leurs peuples, qui puissent les conduire au dépassement (point besoin de renier ou d’effacer) des ethnies et surtout qui aient la volonté de travailler pour les 30 ans à venir.
Je peux le dire aujourd’hui, quand nous en aurons, je voterai pour eux, je ferai partie des volontaires qui iront convaincre et répandre la bonne nouvelle et, qui sait, peut être prendre aussi une part active à leur action. L’élection de Barack suscite donc un espoir mondial, au fond, YES WE CAN.
Serge Tchaha
Étudiant à la maîtrise en administration des affaires