Singulières : vouloir tout dire

Du 14 au 29 juin est présentée au Théâtre La Bordée Singulières, pièce écrite par Maxime Beauregard-Martin et mise en scène par Alexandre Fecteau. L’auteur y décortique le célibat féminin sous la forme du théâtre documentaire à partir de témoignages recueillis auprès de célibataires québécoises de trente ans et plus. Il y dénonce notamment les nombreux stéréotypes et clichés qui entourent l’univers de ces « vieilles filles » en redonnant une voix aux principales concernées. Si la prémisse est claire, le texte peine toutefois à dénouer sa problématique et il en résulte une pièce verbeuse et décousue.

Par William Pépin, chef de pupitre aux arts

Théâtre : La Bordée | Production : Le collectif Nous sommes ici et le Théâtre catapulte | Texte : Maxime Beauregard-Martin | Mise en scène : Alexandre Fecteau | Assistance à la mise en scène : Stéphanie Hayes | Distribution : Frédérique Bradet, Savina Figueras, Eva Saïda, Danielle LeSaux-Farmer, Sophie Thibeault

Le paradoxe de la forme

Avant d’entrer dans les détails, il convient de mentionner le travail colossal d’Alexandre Fecteau sur le plan de la mise en scène. Cohérente avec l’esprit du documentaire, l’entièreté de la pièce est filmée et retransmise en direct sur un écran géant. En ce sens, tout l’espace scénique a été conçu pour s’articuler autour de l’idée d’emprunter à la grammaire cinématographique. Toutefois, un paradoxe persiste : vers la fin de la pièce, j’ai réalisé que je n’avais pas une seule fois regardé la scène, les yeux rivés sur le grand écran surplombant les planches. D’un côté, c’est bon signe : le savoir-faire et l’inventivité techniques captivent, fascinent, toutes les idées transmises à l’écran regorgeant d’une grande intelligence. De l’autre, c’est un problème, parce que l’espace scénique est finalement ignoré au profit d’une démarche plus filmique que théâtrale. Ici, la scène devient un making-of se déployant en temps réel, mais sans plus.

Les limites du show don’t tell

Le texte de Maxime Beauregard-Martin est si dense qu’il est impossible de ne pas sentir son envie de traiter de plusieurs thématiques à la fois. Il y parle notamment de féminisme, de préjugés, d’agressions sexuelles, d’amitié, d’amour, de solitude, du corps féminin, d’immigration, de spiritualité, de religion et j’en passe. Le problème, à mon avis, c’est que ces thèmes sont parcourus les uns après les autres sans que l’on puisse en faire ressortir une dominante. Le tout est d’ailleurs bien trop verbeux : pendant 1h45, nous sommes bombardé.e.s d’informations et de dialogues d’exposition, comme si les spectateur.rice.s n’étaient pas aptes à lire entre les lignes ou à décoder les subtilités qu’un tel sujet est susceptible d’aborder. Oui, le texte est basé sur de vrais témoignages, mais leur exploitation scénique me laisse perplexe : à force de vouloir tout dire, n’en vient-on pas à diluer son message?

Les tons

À mon sens, ce qui sauve la pièce, ce sont ses comédiennes aux jeux aussi variés que nuancés. Elles restituent à merveille (et non sans humour) ces témoignages qui, certes, auraient pu être mieux exploités, mais qui prennent tout de même vie sur scène (ou plutôt à l’écran) grâce à leur talent, et ce, au plus grand plaisir des spectateur.rice.s.

© Crédits photo : Vincent Champoux

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