Vendredi 18:00 : Les scènes jumelles (Loto-Québec et SiriusXM) du parc de la Francophonie débordent déjà, tel un verre de slush format vomissant sur l’asphalte en ébullition. Faut dire que Québec pis le punk-rock, ça fait bon ménage. Résultat, des centaines de fanatiques doivent rebrousser chemin et «vivent» le spectacle sur des écrans géants aux abords de la Grande Allée. Sur place, la fascinante faune en t-shirt Fox Racing rugit tel un fauve de région. GAME ON !
Par Gabriel Tremblay, directeur général et Emmy Lapointe, rédactrice en chef
15 juillet – Scène Loto-Québec/Sirius XM – NOBRO
Cette seule présence féminine est nettement insuffisante sur une affiche remplie de dudes. Néanmoins, Kathryn McCaughey et sa gang ne jouent pas aux touristes dans le Vieux-Québec pour autant, loin de là.
NOBRO donne une leçon punk-garage crue de chez crue, devant une foule peu curieuse et visiblement, encore timide à cette heure. Quoi qu’il en soit, Sarah Dion est survoltée derrière sa batterie et même sa basse à l’occasion, comme elle le fait si bien avec Les Shirley. Question de circonstance hâtive (?), la qualité sonore, surtout dans les voix, laisse à désirer, alors qu’on entend mal Kathryn et ce, même au centre de l’assistance. Mine de rien, à voir les quelques t-shirts flambants neufs au milieu de la populace punk rockeuse, j’ose croire que NOBRO a déniché de nouveaux adeptes à Stadaconé. Pour ça, chapeau haut à la facture visuelle (et auditive) du nouvel EP Live Your Truth Shred Some Gnar.
15 juillet – Scène Loto-Québec/Sirius XM – The OBGMs
Alors là, j’étais intrigué comme une âme fragile rentre à l’église de la scientologie. À noter que les torontois de The OBGM’s ont fait la courte liste du Prix Polaris l’an dernier, ce qui constitue (si vous ne le savez pas déjà) un sacré fait d’armes pancanadien. Même si cette fois-ci j’analysais une performance et non l’album, je comprends un peu mieux l’engouement à l’égard de Densil McFarlane (voix,guitare), Colanthony Humphrey (batterie) et Joe Brosnan (basse). Brosnan crève l’écran, grouillant de tout bord, tout côté, en chavirant ses 4 cordes. Si ce dernier est un spectacle à part entière, la voix du band afropunk (McFarlane) ne donne pas sa place, multipliant les aller-retours dans le «moshpit».
This is not a test ! I repete, this is not a game !
It’s a freakin’ pleasure to be here in Québec, we love this city so much !
Les gars sont foutrement reconnaissants de l’opportunité qui s’offre à eux et en guise de contrepartie, ils décapent les planches comme des menuisiers affamés. Et ce, même s’ils signent déjà des «gigs» importants. Si ce n’est pas déjà fait, je vous conseille chaudement de les pogner en pleine ascension, ils partent en tournée nord-américaine cet automne en compagnie de Death From Above 1979.
15 juillet – Scène Loto-Québec/Sirius XM – Millencolin
En voulez-vous du skate punk? et ben en v’là !
Certes, le set des suédois ne passera pas à l’histoire, même si Mathias Färm (lead guitar) du haut de ses 47 piges, a encore quelques manoeuvres «spectaculaires» à nous offrir. Sans artifice, Millencolin livre 45 minutes honnêtes à l’attroupement de la scène Loto-Québec, en gardant, bien sûr, leur succès No Cigar pour la toute fin. Une interlude statique plutôt sobre, mais somme toute suffisamment efficace en son genre.
Le bestiaire attend «sagement» Pennywise, piliers du punk-rock californien. Oui ce fut un band influent. Non, ils ne sont plus pertinents. Je sortirai du «pit photo» après trois tounes, sans pouvoir retourner dans la foule en raison de certaines restrictions.
J’entendrai tout de même l’ensemble de leur perfo de l’arrière-scène. Même sans le voir, j’imagine très bien le parc de la Francophonie se transformer en aréna sur Bro Hymn où les plus beaux spécimens scandent :
Whooooa-ohhh-ohhh-ohhhhhh
Whaaooooa-ohhhhhh-ohh-ohh-ohhhhhh
Whooooa-ohhh-ohhh-ohhhhhh
Whaaooooa-ohhhhhh-ohh-ohh-ohhhhhh
Si ce n’était pas de leur attitude macho et des selfies malaisants avec des filles trop jeunes dans le VIP après le spectacle, on pourrait dire que Pennywise a réussi son retour à Québec. Mais non.
15 juillet -Scène Loto-Québec/Sirius XM – Sum 41
Bon, le voici, le voilà, le plat de résistance, la nostalgie du punk-rock commercial à l’état pur. Il y a 16 ans de celà, je voyais Sum 41 pour la première fois, à l’Agora du Vieux-Port. Sur scène, pas grand chose n’a changé, et c’est très bien ainsi. Deryck Whibley et ses 14 hernies discales cassent tout sur son passage, débutant le set sémillant sur T.N.T. d’AC/DC. Motivation est la première en liste et sous l’éclairage verdâtre, la masse de gens pétillants semble radioactive. Question de disposition scénique, les trois podiums installés au bout du stage rendent de fiers services à Whibley, au bassiste Jason McCaslin et au guitariste Dave Baksh. L’échalote humaine qu’est McCaslin a même des airs de cadavre infecté, de toute beauté ! D’un charisme juste assez quétaine, Whibley joue avec la foule tel un animateur de camp de jour. Les ontariens savourent chaque moment à Québec et cette perfo est une suite logique/complémentaire à leur dernier passage au FEQ en 2018, alors qu’ils célébraient les 15 ans de Does This Look Infected?,
Au terme du spectacle, les amateur.ices auront entendu, somme toute (Some say) la plupart des hits majeurs de Sum 41, de Pieces à In too Deep, en passant par Walking Disaster et Still Waiting. D’ailleurs, Pieces à l’unisson de 15 000 personnes fut un instant mémorable de pop punk fromagé. À la prochaine mélancolie, Sum 41.
16 juillet Scène Loto-Québec/Sirius XM – Marilyne Léonard
C’était la soirée de Clay and Friends et de Milky Chance au parc de la francophonie, mais j’avais planifier de ne voir que Marilyne Léonard et Jay Scøtt. Alors, je suis arrivée un petit cinq minutes avant le début du show de Marilyne, je n’étais pas stressée d’avoir de la place, je me disais que le monde serait surtout à Rage Against The Machine. C’est dire que j’étais confiante; j’avais juste ma passe ordinaire, même pas ma passe médias. Bin comme dirait l’autre, tout n’arrive pas à qui ne sait pas attendre, la file allait plus loin que le Delta. Je savais que je ne rentrerais pas ou que si je rentrais, ce serait trop tard.
Je me suis donc installée près du sweet spot Subway et j’ai assisté au spectacle sur le grand-écran. Ce n’était pas la mer boire, mais le mode show-ciné-parc, ça peut le faire.
Le passage de Marilyne sur les planches du feq a été, à mon avis, trop court (un 30 minutes bien timé). Après, tout son matériel doit durer à peu près ça. Je pense quand même qu’elle aurait pu/dû jouer un peu plus tard, ne serait-ce que le set tardif le lendemain, à la place de Marie-Gold. Son court album, Vie d’ange, est fait pour l’été, les festivals avec ses sons indie pop d’ici et son rap chanté (ou l’inverse). À noter aussi qu’elle était en nomination pour le prix Espoir FEQ, nomination full super méritée. Si ses paroles témoignent d’une simplicité trop grande qui laissent penser une plume pas encore à maturité, le tout est fort prometteur.
16 juillet – Scène Loto-Québec/Sirius XM – Jay Scøtt
Deuxième show en dehors de l’enclos des francophonies. Un peu moins d’entrées sur le site, présence sur plusieurs plateaux cette année (dont Star Académie lol), Jay Scøtt semblait bénéficier d’un public plus à l’écoute qu’à Marilyne qui le précédait. Sur la scène Sirius XM, le chanteur n’avait avec lui que son ordinateur portable et sa guitare. Si j’ai trouvé ça un peu trop minimaliste comme installations, j’ai trouvé que ça allait avec l’image du gars qui produit sa musique dans un demi sous-sol à Longueuil que Jay Scøtt projette plus ou moins ironiquement.
Malgré une présence scénique négligeable, Jay Scøtt semble fasciner la foule avec une nonchalance décrissante. Si ses morceaux se ressemblent souvent, l’artiste semble prendre avec sérieux le fait de ne pas se prendre au sérieux et ça rend la plupart de ses opus non-ironiquement agréables à mettre en fond sur un speaker JBL à la Marina Saint-Roch.
16 juillet – Scène Bell – Vulgaires Machins
Un mandat colossal attendait nos vulgaires préférés, celui d’ouvrir le champagne (ou la Coors Light) pour Alexisonfire et Rage Against the Machine. Question de sentir un peu choyés, Guillaume Beauregard et Marie-Ève Roy mentionnent qu’il s’agit du seul et unique show des Vulgaires Machins cet été.
Le réputé band punk de Granby a vu neiger, c’est le cas de lire. Comme quoi, iels remplissent adéquatement les immenses planches des Plaines d’Abraham. Tous les succès y passeront excepté leur «tounette» de cocaïne. Le parterre déjà bien garni s’exclamait particulièrement sur Puits sans Fonds, comme dans les bonnes années de la défunte MusiquePlus.
Savez-vous ce que ça veut dire Rage Against The Machine en français? Ça veut dire anéantir le dogme !
Bel essai Guillaume, bel essai !
Mentions honorables (aucun mérite me direz-vous) à leurs sublimes guitares Gibson qui scintillent au crépuscule. On se revoit après le prochain hiatus les VM !
16 juillet – Scène Bell – Alexisonfire
À défaut de recevoir Run the Jewels qui ouvre normalement pour RATM, Alexisonfire servira de baume plus que satisfaisant, surtout que Québec et la formation de Dallas Green n’en est pas à sa première romance. Rappelons-nous que Alexisonfire avait remplacé Avenged Sevenfold à quelques jours de préavis en 2018, prouvant une fois de plus, leur attachement envers le FEQ. Aujourd’hui, la fierté du punk hardcore est d’une beauté incommensurable.
George Petit est ravissant, dans sa salopette caramel, Dallas Green a des airs de divinités scandinaves, Wade Macneil est douillet à souhait dans one-piece léopard, pis Chris Steele est le plus charismatique des savants fous moustachus du Canada anglais. Alexisonfire prouve une fois de plus, qu’il est THEONLYBANDEVER. George pliera des pieds de micro sur sa tête en guise de «move» signature, en plus de chanter en bécotant MacNeil dans un moment de bromance attendrissant.
This city !!!!!! this city is hauuuuuuuuunted by ghoooooooooosts
La ville est crissement hantée, hantée par les fantômes de notre amour pour Alexisonfire.
16 juillet – Scène Bell – Rage Against the Machine
Maintenant, que la catastrophe contrôlée commence. Si ce show-là avait eu lieu à la fin des années 90, le parlement en aurait peut-être pris pour son rhume. Mais t’sais, Québec est smooth, Québec a pas mal plus de chance de cramer sous l’huile des camions, qu’au son du band militant le plus marquant de sa génération. Zach de la Rocha a la jambe bousillée, ce qui ne l’empêche pas de protester, de rapper, de dénoncer les injustices, de défendre les causes nécessaires. De son côté, Tom Morello, prouve sa virtuosité à chaque sapristi de« track», tel un prophète de la rage aux doigts d’orfèvre. À travers Guerilla Radio, Know your Enemy, Bulls on Parade et bien sûr, Killing in the Name (pour ne nommer que ces titres phares), RATM ne passera pas par le Lac-Etchemin pour scander son message, utilisant à merveille les écrans derrière le quatuor.
Rage Against the Machine démontre qu’un band pesant reste pertinent, si le propos l’est tout autant.
Je vous laisse sur quelques citations qu’on peut lire à l’écran pendant leur tournée.
An Indigenous person in Canada is over 10 times more likely to be shot and killed by a police officer than a white person is
An Indigenous person in Canada is over 10 times more likely to be shot and killed by a police officer than a white person is
Settler-colonialism is murder
Forced birth in a country where Black birth-givers experience maternal mortality two to three times higher than that of white birth-givers
Autre rappel : RATM est légendaire, vive la légende.
En bonus, on vous a concocté une courte liste d’appréciation et suggestion à l’édition 2022 du FEQ.
Les bons coups :
- La communication avec le public
- Des plans B au niveau de la programmation
- Une programmation diversifiée
- L’idée d’une escouade contre les violences sexuelles
- Le droit aux bouteilles d’eau rigides
Les moins bons coups :
- Inviter des artistes aux prises avec des allégations d’agressions sexuelles
- L’invisibilité de la dite escouade contre les violences sexuelles
- Une programmation aux nombreux ventres mous à travers les faits saillants
- L’enclos du parc des francophonies et l’alternance entre les deux scènes